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presque identiques sur le compte d’Ammon dans le papyrus de M. Harris : être double, générateur dès le commencement, Dieu se faisant Dieu, s’engendrant lui-même. L’action spéciale attribuée au personnage du fils ne détruisait pas l’unité ; c’est dans ce sens évidemment que ce Dieu est appelé ua en ua, le un de un, ce que Jamblique traduira plus tard assez fidèlement par les termes de πρρώτος τού πρώτου θεοϋ, qu’il applique à la seconde hypostase divine[1]. »

Quand les doctrines philosophiques de la Grèce et les doctrines religieuses de l’Égypte et de la Judée se rencontrèrent à Alexandrie, elles avaient entre elles trop de points communs pour ne pas se faire des emprunts réciproques. De leur rapprochement et de leur contact quotidien sortirent plusieurs écoles dont le caractère général est l’éclectisme, ou plutôt le syncrétisme, c’est-à-dire le mélange des divers élémens qui avaient concouru à leur formation. Ces élémens se retrouvent tous, quoique en proportion variable, dans chacune de ces écoles. La première est l’école juive, représentée par Philon, qui, à force d’allégories, tire le platonisme de chaque page de la Bible. Philon est regardé comme le principal précurseur du gnosticisme. On réunit sous ce nom plusieurs sectes chrétiennes qui mêlent les traditions juives à celles des autres peuples, principalement des Grecs et des Égyptiens. Le mot de gnostique, qui est quelquefois appliqué aux chrétiens en général, par exemple dans Clément d’Alexandrie, signifie simplement ceux qui possèdent la gnose, la science supérieure, l’intuition des choses divines.

Après Philon et les gnostiques se place la grande école d’Ammonios Saccas et de Plotin, qui, tout en empruntant à l’Asie et à l’Égypte leurs tendances unitaires et mystiques, s’attache directement à la philosophie grecque, dont elle cherche à fondre toutes les sectes divergentes. Dans les derniers temps du polythéisme, on n’était plus exclusivement stoïcien, épicurien, péripatéticien, ni même platonicien ; toutes ces sectes avaient apporté leur contingent à la somme des idées, et toutes étaient représentées par quelque côté dans la philosophie commune.

À côté de ces écoles, et comme pour servir de lien entre elles, s’en développe une autre qui ne se rattache à aucun nom historique et n’est représentée que par les livres hermétiques. Ces livres sont les seuls monumens que nous connaissions de ce qu’on peut appeler la philosophie égyptienne. Il est vrai qu’ils ne nous sont parvenus qu’en grec, et il n’est même pas probable qu’ils aient jamais été

  1. De Rougé, étude sur le Rituel funéraire des Égyptiens.