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la séparation, les contributions indirectes étaient évaluées à 45 millions et demi pour plus de 3 millions d’habitans : on suppose qu’elles donneront 19 millions et demi aujourd’hui avec moins de 700,000 contribuables. La loterie faisait entrer autrefois dans les caisses 6,031,000 fr. ; on inscrit pour ce même article 4,271,000 fr., ce qui semblerait dire que les sujets du pape vont jouer à la loterie trois fois plus que par le passé. En un mot, les sujets de Victor-Emmanuel, même après les augmentations d’impôts que l’on prévoit, auront à payer environ 37 francs par tête ; on suppose que les sujets du pape, moins riches et moins industrieux, vont payer 50 fr. Dans la catégorie des dépenses au contraire, la plupart des évaluations seront probablement dépassées. La somme destinée à l’armée, 6,991,000 francs, représente à peine un effectif de 7,000 hommes ; ce n’est pas assez ou c’est beaucoup trop. Si l’on a la prétention de mettre le saint-siège à l’abri d’un coup de main, il faudra doubler les dépenses militaires. Les circonstances ne permettent pas d’espérer une de ces veines industrielles qui relèvent un pays en remettant les finances à flot. En définitive, le nouvel état romain, dans les conditions où on le place, se constituerait avec un déficit inhérent à sa nature, irrémédiable, et il serait bien téméraire de la part des capitalistes de lui continuer le crédit au moyen duquel il a soutenu depuis longtemps sa chétive existence.

Il n’y a rien de systématiquement hostile dans nos prévisions. Ce que nous exposons ici avec la rigidité de l’analyse financière, les défenseurs clairvoyans du saint-siège en ont eux-mêmes le sentiment. Relisez la récente protestation adressée par le cardinal Antonelli aux chancelleries européennes ; c’est un long et douloureux cri de détresse. A la manière dont la cour de Rome est défendue, aux doléances sur la pénurie prévue, à cet amer découragement qui déborde sous la fatalité du fait économique, on voit que l’habile ministre tient le pouvoir temporel pour blessé à mort et qu’il en désespère. Pie IX n’en est pas là, il s’en faut de beaucoup. Avec sa confiance béate, qui devient une force politique dans les circonstances où il se trouve, il ne paraît point avoir la notion des difficultés de l’ordre matériel : il ne s’y arrête jamais. On raconte qu’aux réceptions du 1er janvier, ayant à répondre à la députation du conseil des finances, il dit qu’il n’y avait plus à s’inquiéter des embarras du trésor, que l’empereur des Français allait prendre à sa charge la portion de la dette afférente aux provinces perdues, sauf à exercer son recours sur le roi d’Italie, que de cette manière on éviterait des rapports directs avec la cour de Florence et tout semblant d’adhésion au traité du 15 septembre. Il paraît que des ouvertures en ce sens ont été faites, c’est du moins ce