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d’opportunité. Suffit-il que des taxes soient votées par les chambres pour être acceptées par les contribuables ? La multitude est-elle montée partout au ton du sacrifice, et ne va-t-on pas faire trop beau jeu aux annexés du nouveau régime ? Cela est à considérer. Tout en faisant le nécessaire, il faut s’appliquer à ménager les transitions, et il nous semble qu’on trouverait des ressources pour cela dans une habile transformation du patrimoine ecclésiastique.

Nous n’avons rien caché des obstacles et des dangers, cela nous donne le droit d’affirmer qu’il y a moyen de dominer la crise actuelle et qu’on y parviendra. Le prochain dénoûment de la question romaine détendra les ressorts financiers, et l’apaisement moral ouvrira la période de l’expansion économique. Le champ exploitable est des plus riches. Dès à présent, à travers les crises, on signale comme un excellent symptôme que la progression des taxes indirectes s’est soutenue depuis 1862 ; elle est même remarquable pour les premiers mois de 1866. Il suffirait que toutes les provinces consommassent autant de café et de sucre que les anciens états sardes pour que la recette augmentât de 20 millions. A chaque tronçon de chemin de fer ou de canal qui est achevé, une source nouvelle de revenus est ouverte. Les pensions et indemnités viagères qui écrasent le budget sont réduites chaque jour par des extinctions. Le progrès moral est aussi une valeur à mettre en compte ; la volonté d’affermir à tout prix la nationalité existe, et, s’il en fallait une preuve, on la trouverait dans la résignation devant l’impôt, dans les offrandes volontaires, les sacrifices accomplis silencieusement.

Un dernier mot. On parle beaucoup de guerre, et un grand rôle est assigné à l’Italie dans le conflit qu’on prévoit. Ce n’est encore qu’une hypothèse, et nous avons évité de la soulever ici. Nous avions à étudier la crise qui sévit actuellement et les ressources qu’on entrevoit en temps ordinaire pour la dominer. Il n’est que trop évident que des finances de paix ne sont plus celles de la guerre, et qu’un grand effort militaire modifierait la situation qui vient d’être exposée. En quel sens et dans quelle mesure ? Nous l’ignorons comme tout le monde. Il n’est pas inutile de montrer au patriotisme italien que, dans la voie où il va peut-être s’engager, le plus grand danger pour lui n’est pas celui du champ de bataille. Quant à nous, d’après les convictions que nous a laissées l’examen des faits financiers, nous ne verrions pas sans inquiétude que l’Italie fût lancée en ce moment dans les glorieuses aventures, et nous croyons qu’une paix bien soutenue serait pour elle la meilleure manœuvre de guerre.


ANDRE COCHUT.