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lorsque l’on eut découvert comment elle se propage, on reconnut expérimentalement qu’elle se transmet à d’autres animaux, tels que le lapin, le rat, la souris, le cobaye, le chat, le jeune chien, etc. Ce cosmopolitisme a cependant des bornes : les recherches expérimentales firent reconnaître encore que ce ver ne se propage ni chez les oiseaux, ni chez les animaux à sang froid, reptiles, poissons, invertébrés.

Il y a peu d’années encore, une obscurité profonde régnait sur la génération de tous les nématoïdes parasites. Depuis les premières époques de la science, deux théories étaient en présence. L’une regardait les vers comme héréditaires et passant du père à l’enfant ; elle faisait nécessairement remonter au premier homme l’origine de nos parasites, et malgré la répugnance de quelques docteurs à gratifier Adam de tous nos vers, elle fut pendant plusieurs siècles généralement adoptée. L’autre théorie, qui compte encore des partisans, est celle de la génération spontanée : les vers intestinaux seraient le produit des alimens ou des matières intestinales, ou bien encore des humeurs plus ou moins modifiées par la chaleur interne. Les progrès des sciences purent apporter quelque changement dans cette manière de voir, mais ils ne la firent point abandonner tout à fait, tant était grande la difficulté d’expliquer la génération de la plupart des parasites. En vain l’anatomie montra-t-elle chez ces animaux l’existence de myriades d’œufs ; comment comprendre la transmission de ces œufs d’un homme dans un autre ? Cette transmission se comprendrait pour les vers du porc ; mais pour ceux de l’homme, pour ceux des ruminans, qui ne mangent que de l’herbe, pour ceux des carnivores, elle semblait inexplicable. Quant à la transmission du parasite lui-même d’un animal dans un autre, une circonstance particulière empêchait que l’on y songeât : on voyait généralement ces parasites périr en même temps que l’hôte qui les contenait, ou peu d’heures après qu’ils en étaient sortis.

La découverte de la trichine ne fit d’abord que compliquer le problème : pendant plus de vingt ans, les trichines furent trouvées exclusivement dans les muscles de l’homme, et presque toujours en quantités innombrables. Elles étaient renfermées dans des poches ou kystes hermétiquement clos, de telle sorte qu’il eût été impossible de découvrir soit une voie par où elles s’y fussent introduites, soit une voie par où elles eussent pu émigrer. Jamais en outre on n’avait vu chez ces parasites des organes génitaux, et, pour achever de confondre les investigateurs, on reconnut que ces vers finissent par périr dans leur kyste sans laisser trace de postérité.

Des découvertes précises sur la génération de plusieurs espèces de vers nématoïdes nous apprirent enfin que les animaux de cette classe s’engendrent de la même façon que les autres. Les premières notions nous vinrent de l’anguillule du blé niellé. C’est en 1855 que je trouvai comment cette anguillule se propage et se perpétue dans le blé. La génération spontanée pour les nématoïdes n’était plus acceptable ; il s’agissait seulement de reconnaître dans les autres vers, comme dans l’anguillule du blé, les conditions ou les propriétés particulières qui devaient être en rapport avec leur propagation : on ne tarda pas à les découvrir. Alors se dévoilèrent les moyens variés et toujours simples qui permettent aux