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plus grande dame de la contrée, et il hésitait à lui annoncer la bonne nouvelle, et il tremblait !

— Violante, reprit-il, je m’aperçois que cette vie monotone que vous menez ici ne vous apporte guère les distractions qu’on peut désirer à votre âge avec le bien que vous avez.

— Je n’en demande point d’autres, dit Violante.

— C’est le langage qui vous convient, continua l’avocat ; vous n’en pouvez tenir un différent. Pourtant, Violante, si vous m’aviez jamais dit : Mon père, je veux sortir de ce manoir, je n’en aurais pas été surpris.

— Je ne vous ai jamais dit cela, mon père.

— Tout haut, fit-il, non, sans doute ; mais tout bas combien de fois, Violante ?

— Je ne sais, dit-elle, si c’est un reproche…

— Point, point, interrompit M. de Bochardière. Nous avons eu depuis quatre ans plus d’un différend ensemble ; je ne m’en souviens pas. Violante…

— Ni moi, mon père.

— Je vous aime, reprit-il, je n’ai d’autre désir que de vous voir heureuse. Et puisque avec un naturel indépendant comme le vôtre vous ne pouvez trouver de bonheur que dans votre indépendance, c’est elle que je voudrais assurer, ma chère enfanj. Aussi je songe à vous marier.

— Voilà, dit Violante, une conclusion à laquelle je ne m’attendais point. C’est par le mariage que vous vous proposez de me rendre libre, mon père ?

— Et pourquoi non ? s’écria-t-il. Est-ce qu’il s’agit d’une alliance vulgaire ? Ce n’est point cela qu’il vous faut. Vous n’avez pas toujours les sentimens que je voudrais rencontrer en vous, ma chère Violante ; mais je vous rends justice, les mœurs bourgeoises ne sont point votre fait. Dans le mariage que je rêve pour ma chère fille, elle serait la dame et la reine. Vous resteriez la maîtresse de votre personne. Violante, et, pour peu que vous le vouliez, de votre bien ; un contrat bien fait peut toujours…

— Est-il permis de vous demander si cette alliance qui ne serait point vulgaire se présente à vous sous des traits vivans et connus ? interrompit froidement Violante. Ce mariage que vous rêvez pour moi a-t-il un nom ?

— Il en a un, répliqua-t-il, un nom étrange et magnifique ! Oh ! l’on n’en peut contester la noblesse ; elle éclate aux yeux de ceux qui le voient écrit pour la première fois. Et lorsqu’on l’entend prononcer, c’est comme une musique guerrière et sainte ;… mais ce nom, je ne vous le dirai point.