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dans les populations chrétiennes des districts mixtes. On avait fait espérer en dernier ressort que cette légion trois fois turque, et par le milieu d’où elle avait été détachée, et par le naturel bien connu de son principal élément, et par son colonel, aurait du moins l’avantage, vu son affectation exclusive à la montagne, de soustraire celle-ci à l’une des clauses les plus suspectes de sa constitution actuelle : Davoud-Pacha, disait-on, serait dorénavant dispensé de recourir, dans les cas prévus par la conférence de Constantinople, aux troupes du dehors, qui, relevant non de lui, mais bien du pacha qui les prêtait et de l’officier qui les commandait, pouvaient, à un moment donné, devenir l’instrument de quelque redoutable surprise. La déception était encore complète sur ce point. Les détachemens turcs semblaient moins près que jamais d’abandonner la garde des routes de Damas et de Tripoli. Il y avait de nouveau concentration visible et non justifiée des forces ottomanes aux abords du Liban, et dans le Liban même la préoccupation officielle du jour, c’était l’urgence de construire des chemins carrossables, qui n’auraient qu’à changer de nom pour devenir des routes stratégiques, et des casernes, beaucoup de casernes, qui seraient tout naturellement des postes fortifiés. C’est chez les Maronites un préjugé invétéré, dont ils sont plus à plaindre économiquement qu’à blâmer politiquement, que l’exécrable état de leurs voies de communication est la meilleure garantie de l’indépendance territoriale. Parmi les divers mobiles de la révolte de Gazir en 1862, c’est le seul, on s’en souvient, qui rallia un moment tout le monde. L’idée des casernes produisait un pire effet encore, car sur ce dernier point il n’y avait plus, comme sur l’autre, partage entre l’intérêt commercial ou agricole et le grand préjugé national. Les deux principales entrées du Kesraouan, Sarba et Gazir, à peine séparées par 3 ou 4 kilomètres, devaient avoir l’étrenne de ces casernes, et, sans compter que le choix des localités devenait fort significatif, ce luxe de constructions militaires n’était guère en rapport avec le modeste chiffre des contingens combinés de la légion cosaque et de la milice indigène, car, j’oubliais de le dire, il n’était plus question de supprimer celle-ci : le profit n’eût pas racheté le scandale. La Porte faisait d’autant plus volontiers cette concession aux convenances légales que la milice indigène cessait d’être un obstacle bien sérieux à ses plans, surveillée, cernée, contenue qu’elle serait par les nouveaux auxiliaires de Davoud-Pacha, auxquels il serait toujours facile de conserver, même à nombre inférieur, la supériorité résultant d’une organisation plus complète, d’une instruction militaire plus avancée, d’une plus grande fixité de cadres, et surtout de l’identification d’intérêts et de volonté entre eux et le chef du pouvoir exécutif. On poussa même plus loin la déférence pour les stipulations si