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l’Autriche tant que la constitution territoriale de l’Italie ne sera point achevée. Tant que l’Italie et l’Autriche ne pourront pas vivre en sécurité à côté l’une de l’autre, Il sera chimérique de compter sur la durée de la paix européenne. Depuis quelque temps, depuis surtout qu’elle se sent menacée au siège même de sa puissance, au cœur de l’Allemagne, par la rivalité plus tracassière et plus entreprenante de la Prusse, il semble que l’Autriche devrait envisager avec plus de sang-froid et de sérénité les affaires italiennes. Au point de vue le plus étroit, la question pour elle se réduit à ce dilemme : être forte et assurée en Allemagne, ou être faible et sans cesse inquiétée en Allemagne et en Italie. Regardé en face avec une résolution virile, ce dilemme ne devrait pas laisser subsister un instant d’hésitation dans l’esprit des princes de la maison d’Autriche et des hommes d’état autrichiens. La base de la puissance autrichienne est en Allemagne ; la Vénétie n’est pour elle qu’un appendice, qu’une dépendance. Aucun sentiment d’honneur national, aucune tradition historique n’attache l’Autriche à la conservation de la dernière province qui lui reste en Italie. L’importance de la Vénétie ne peut être appréciée qu’au point de vue de l’utilité. Or à cet égard la chose est jugée depuis longtemps. La Vénétie n’apporte aucune force à l’Autriche, et ne lui procure que des élémens de faiblesse ; elle provoque contre elle l’hostilité permanente de l’Italie et écarte d’elle de profitables alliances. L’Autriche pourrait faire le sacrifice de la Vénétie sans dommage pour ses intérêts, car elle y pourrait attacher la condition d’une compensation positive, sans parler de la compensation indirecte qu’elle trouverait dans sa liberté d’action reconquise et dans la force accrue avec laquelle elle pourrait résister en Allemagne aux aspirations immodérées de la Prusse. Au lieu de compromettre sa considération politique, l’acte d’intelligente magnanimité par lequel l’Autriche mettrait fin à ses luttes avec l’Italie lui acquerrait l’estime et la durable reconnaissance de l’Europe éclairée, libérale et vouée aux travaux de la paix.

Si l’Autriche pensait pouvoir accepter en face de cette Europe un échange diplomatique d’explications et d’idées sur la question vénitienne, un grand et cette fois-ci un heureux coup de théâtre viendrait changer la situation présente. Tous les intérêts européens seraient rassurés, et les chances des rivalités germaniques seraient tournées définitivement en faveur de l’empire autrichien. Le grand et honnête effort qui se tente en ce moment a pour but de produire ce changement pacifique. Nous sommes heureux que notre gouvernement ait consacré à cette tâche la liberté d’action qu’il s’est réservée pendant si longtemps, et qu’il justifie ainsi les assurances données au corps législatif par M. Rouher, ce constant et efficace défenseur que la paix compte dans nos conseils. La France a dans cette tentative le concours de l’Angleterre. Le moyen proposé est un congrès, — non cette fois un congrès théorique évoquant toutes les questions, mais un grand congrès pratique ayant pour objet défini de délibérer sur les trois