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questions aujourd’hui posées par les faits et les menaces mêmes de guerre : la question des duchés de l’Elbe, celle de la réforme de la confédération germanique, et celle de la Vénétie. La France, l’Angleterre, la Russie, sont d’accord sur l’utilité de cette délibération européenne, et l’on compte sur l’adhésion de l’Italie. Nous ne saurions à ce propos trop recommander aux Italiens la modération dans cette épreuve si délicate, et qui pourrait avoir pour eux un dénoûment si heureux et si décisif. Que cette perspective les rende prudens et patiens ; qu’ils songent à la responsabilité effrayante qu’ils encourraient, si, par des agressions prématurées, inspirées par une politique perverse, ils rendaient impossible la concession que les grandes puissances occidentales demandent avec une émotion sympathique et respectueuse à la générosité de l’Autriche et de son souverain. Le voyage récent à Vienne d’un membre de l’ambassade autrichienne en France, M. de Mülinen, a pour objet d’associer l’Autriche à cet essai d’entente pacifique. Le retour très prochain de ce diplomate à Paris nous fixera sur les résolutions autrichiennes. On ne doit pas s’attendre à la résistance de la Prusse. Le gouvernement français, nous l’en louons cordialement, fait tout ce qu’il peut pour assurer le succès de cet effort suprême en faveur de la paix. Ce qui dans les dernières années avait beaucoup contribué à inquiéter les esprits, c’était le nuage qui recouvrait les réserves de la France sur sa liberté d’action ; on croyait voir sous ce mystère des arrière-pensées d’agrandissement territorial. La France, si le congrès se réunit, dissipera tous ces doutes par une habile et honnête déclaration d’entier désintéressement.

Nous ne sommes point en mesure de dire quel est le succès réservé à l’espérance de paix que nous venons de signaler. Elle nous permet du moins de clore aujourd’hui nos réflexions sur des perspectives moins obscures et de ne point renoncer à l’illusion de la paix. Il dépend au surplus de l’opinion publique de confirmer par ses manifestations la sollicitude dont témoignent les derniers efforts des gouvernemens neutres. Les véhémentes alarmes manifestées par l’opinion et par les classes financières et commerçantes paraissent d’ailleurs avoir exercé une vive influence sur ces gouvernemens. Il semble que ces derniers jours surtout le cabinet anglais ait mieux compris l’importance de l’enjeu économique que l’Angleterre a dans cette périlleuse partie. Ce ministère est enfin sorti des grandes préoccupations que lui avait données le bill de réforme. Il s’est contenté modestement de la simple et infinitésimale majorité de cinq voix obtenue pour la seconde lecture du franchise-bill. Il s’est montré en outre docile aux leçons que lui a données cet immense débat, où il n’a pas été prononcé, dit-on, moins de quatre-vingt-onze discours. Le ministère avait couru un péril bien gratuit en se refusant à présenter le bill de la redistribution des sièges en même temps que le bill relatif à la franchise électorale. Aujourd’hui le bill de la redistribution est connu, et par la prudence et la modération de ses dispositions il paraît avoir rallié à l’ensemble de la