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Les sept
Croix-de-Vie

SECONDE PARTIE[1]


VIII.

Ce jour-là, M. de Croix-de-Vie avait dîné avec sa mère ; ils étaient venus tous deux, après le repas, s’asseoir sur le grand perron du château, au pied duquel croissait en pleine terre toute une luxuriante végétation de grenadiers, de myrtes et de lauriers-roses. Délicats enfans du midi, étonnés de vivre sous un ciel si nuageux, myrtes et lauriers fleurissent pourtant dans cet air presque tiède, et chaque année les rameaux d’or des grenadiers, chargés de leurs belles cloches de pourpre, s’entrelaçaient aux balustres du perron de Croix-de-Vie quand venait août ; mais les fruits qu’ils portent restent sans saveur, ils n’ont point reçu les baisers du soleil.

En face du perron s’étendaient en un immense demi-cercle les magnifiques jardins de Robert XV, bordés de terrasses construites à grands frais sur des épaulemens de rochers. Au milieu s’ouvrait le grand bassin. Là, dans les roseaux, chantait une fauvette aquatique au déclin du jour, et c’est ce chant qu’écoutait Martel. La douairière, elle aussi, rêvait : ce n’était point sa coutume. Bien sûre que l’attention de son fils était suspendue tout entière à cette fauvette innocente, elle prit entre sa main et son gant, où elle le tenait renfermé, un billet qu’elle relut vivement. Le jour était déjà bien incertain, et pour distinguer ces caractères écrits au crayon et à la

  1. Voyez la Revue du 15 mai.