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département à celui-ci ou à celui-là, enfin de parler d’affaires, de vous servir même de termes très peu convenables à votre situation ! Vous êtes-vous demandé une fois par quel droit vous vous mêlez des affaires du gouvernement de la monarchie française ? Quelles études avez-vous faites ? quelles connaissances avez-vous acquises ? vous, aimable jeune personne, qui ne pensez qu’à la frivolité, qu’à votre toilette, qu’à vos amusemens toute la journée, et qui ne lisez pas ni entendez parler raison un quart d’heure par mois, et ne réfléchissez ni ne méditez, j’en suis sûr, jamais, ni combinez les conséquences des choses que vous faites ou que vous dites !

« Par quel droit vous respecte-t-on et vous honore-t-on en France que comme la compagne de leur roi ? Vous seriez bafouée, aussi jolie que vous êtes ; la chute, et en soi et par comparaison, serait affreuse pour vous. Étudiez-vous tous ses désirs pour vous y conformer ? Modérez-vous votre gloriole de briller à ses dépens ? Êtes-vous d’une discrétion impénétrable sur ses défauts et faiblesses, les excusez-vous, faites-vous taire tous ceux qui en osent lâcher quelque chose ? Est-ce que vous ne vous rebutez pas des difficultés, des refus ? Retournez-vous adroitement à la charge, sans importuner, sans témoigner une volonté, car enfin vis-à-vis de lui vous ne pouvez avoir que des désirs, et lui, tant sur votre personne que sur les affaires de son pays, peut seul avoir des volontés ? Il n’y a pas de galanterie qui tienne ; un particulier peut craindre le ridicule que son impolitesse lui donnerait, mais un roi s’en moque, et d’un mot peut disposer de votre sort. N’oubliez pas cela.

« Mettez-vous, ma sœur, du liant, du tendre, quand vous êtes avec lui ? Recherchez-vous des occasions, correspondez-vous aux sentimens qu’il vous fait apercevoir ? N’êtes-vous pas froide, distraite quand il vous caresse, vous parle ? Ne paraissez-vous pas ennuyée, dégoûtée même ? Comment, si cela était, voudriez-vous qu’un homme froid s’approche et enfin vous aime ? Ne vous rebutez jamais…

« Avez-vous pesé les conséquences affreuses des jeux de hasard, la compagnie qu’ils rassemblent, le ton qu’ils y mettent, le dérangement enfin qu’en tous genres ils entraînent après soi tant dans les fortunes que les mœurs de toute une nation ? Pourriez-vous vous dissimuler que toute la partie, sensée de l’Europe vous rendrait responsable des ruines des jeunes gens, des vilenies qui s’y commettent et des abominations qui en sont les suites, si vous protégez et étendez ces jeux, ou que bien plus vous les recherchiez et couriez après ? Rappelez-vous les faits qui se sont passés sous vos yeux, et puis pensez que le roi ne joue pas…

« De même daignez penser un moment aux inconvéniens que vous avez déjà rencontrés aux bals de l’Opéra et aux aventures que vous m’en avez racontées vous-même. C’est de tous les plaisirs indubitablement le plus inconvenable de toute façon, surtout de la façon que vous y allez, car Monsieur, qui vous accompagne, n’est rien. Le lieu par lui-même est en très mauvaise réputation ; qu’y cherchez-vous ? Une conversation honnête ? vous ne pouvez l’avoir avec vos amies, le masque l’empêche. Danser non plus ; pourquoi donc des aventures, des polissonneries, vous mêler parmi le tas de libertins, de filles, d’étrangers, entendre ces propos, en tenir peut-être qui leur ressemblent ? Quelle indécence ! Je dois vous avouer que