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représentation nouvelle de la question d’Orient. Aujourd’hui cette échauffourée où est écorné un traité qui ne date pourtant point de 1815, où est mise en péril l’éternelle suzeraineté de la Sublime-Porte, où est bravée l’autorité d’une conférence en exercice, passe inaperçue. On a déclaré illégale l’élection du prince de Hohenzollern, mais on ne fera rien à l’appui de cet arrêt. Les Roumains n’auront la visite ni d’un corps d’armée russe ni d’aucun grand pacha de Constantinople. On laissera aller les choses, parti très sage et qui réussirait à peu près partout, si on l’adoptait plus souvent. Y a-t-il quelque noirceur dans cette élection du prince de Hohenzollern ? Est-ce un tour à la Bismark, une pièce faite à l’Autriche ? Est-ce l’avant-coureur de quelque profonde machination moscovite ? On eût longtemps ruminé ces doutes en des jours plus sereins. L’explication la plus simple et la plus naturelle est sans doute la plus exacte. Les Roumains, n’en déplaise aux traités passés et aux conférences présentes, ont raison de préférer un prince étranger à un prince indigène. Un prince étranger leur offre à l’intérieur plus de garanties d’impartialité et une volonté mieux obéie ; contre le dehors, le prince étranger est à leurs yeux une plus forte défense. Un indigène, par les siens et par lui-même, aura nécessairement appartenu à quelque parti, à quelque coterie ; il aura eu des égaux qui l’accepteront péniblement pour supérieur ; il est impossible qu’il ait été désintéressé dans les luttes qui ont divisé le pays. Avec un prince étranger, on a lieu d’espérer qu’on échappera à ces difficultés qui sont réelles. La résolution des Roumains les plus intelligens étant bien fixée sur ce point, l’affaire était de trouver le prince étranger. Le premier mouvement des Roumains leur a fait honneur, ils élurent le comte de Flandre, rendant ainsi hommage aux vertus constitutionnelles de la famille du roi Léopold. Le refus du comte de Flandre désappointa les Roumains sans les décourager. Après avoir recherché pour ce souverain de leur choix le type du libéralisme intelligent et honnête, ce type étant rare, ils se rabattirent sur la classe de ceux qui sont heureux, qui ont la veine, qui ont une étoile. Les mages de Roumanie ont cru avec assez d’apparence, dans un temps où le roi de Prusse est l’allié du roi d’Italie, où M. de Bismark a pu se permettre toute sorte de rodomontades et a contracté l’habitude de prendre les bains de mer à Biarritz, que le mieux étoilé des candidats existans devait être un Hohenzollern. Le calcul peut être juste, et nous le souhaitons. Puisque la fable des grenouilles qui demandent un roi dure toujours, nous ne sommes point d’humeur à chicaner un honnête petit peuple qui est dans la pénible nécessité de violer un mauvais traité dans l’espoir d’avoir un bon prince.

L’enfantement de la nouvelle réforme parlementaire anglaise sera décidément fort laborieux. Le ministère anglais n’a pas eu de bonheur dans cette difficile entreprise de rajeunir par des réparations un des plus vieux et des plus compliqués édifices politiques de l’Europe. Il a eu d’abord la pensée de scinder la mesure, de présenter une loi sur le cens électoral, et