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remarquable, chargé en 1853 de constater l’état des prisons irlandaises, les trouva littéralement encombrées, et dans un tel désordre que l’Australie occidentale elle-même, sollicitant toujours l’envoi des convicts anglais, se plaignait de ceux que lui expédiaient les pénitentiaires d’Irlande. Ils renfermaient un millier de prisonniers en sus du nombre qu’ils pouvaient convenablement abriter. Le premier soin à prendre fut d’en réduire l’effectif, ce que permirent, en les forçant quelque peu, les clauses de la loi pénale. Vint ensuite un travail de classification : on sépara les jeunes gens des adultes, et autant que possible les casual offenders des criminels de profession. On épura le personnel des agens subalternes ; on tâcha d’inculquer à ceux qui furent conservés l’esprit de leur mission nouvelle. M. Crofton, animé d’un zèle ardent et communicatif, trouva bientôt des collaborateurs dignes de lui, le capitaine Whitty, M. Lentaigne, et parmi eux, remarquable entre tous, un simple maître d’école, M. Organ, que son ardeur tout apostolique a rendu presque célèbre. A eux tous, s’éclairant l’un l’autre et profitant des expériences déjà faites, — empruntant par exemple le système des marques, sur lesquelles nous allons revenir, au capitaine Machonochie et à l’archevêque de Dublin, — ils trouvèrent l’ensemble de moyens qui devait le plus sûrement les mener à leur triple but : punir le condamné, l’amender moralement, le former aux devoirs de l’homme libre.

L’historique détaillé de leurs efforts nous mènerait beaucoup trop loin. Ce qui importe d’ailleurs, c’est de résumer ici les grands traits du système définitivement adopté par ces hommes de bien et dont ils ne doutent plus aujourd’hui. Envisagé à son point de vue le plus général, il consiste en ceci : substituer à la coercition physique la punition morale, — convaincre peu à peu les esprits les plus obtus et les plus rebelles que la contrainte exercée sur eux n’a aucun caractère hostile, — obtenir qu’ils travaillent eux-mêmes, de concert avec leurs gardiens, à l’amélioration graduelle de leurs destinées, — les y encourager chaque jour par des témoignages de satisfaction auxquels correspondent ultérieurement des avantages positifs, — les mener ainsi de prison en prison, de grade en grade, jusqu’à une captivité mitigée qui leur donne l’avant-goût de la liberté, — les mettre alors, sans les perdre de vue, en contact avec le monde où ils vont rentrer, — éprouver par là même la solidité de leur amendement, — ne les libérer ainsi qu’après qu’ils ont donné des gages de vraie conversion, — les surveiller exactement, malgré toutes ces garanties, quand ils ont mérité leur ticket of leave, — moyennant tout ceci gagner la confiance du public et