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Les sept
Croix-de-Vie

TROISIÈME PARTIE[1]


XII.

Porté sur les épaules de ses paysans, le marquis de Croix-de-Vie s’avançait sous le dôme de la forêt. Il songeait à la noble fille qu’il venait de quitter, à cette fée blanche et blonde, orgueilleuse et pure. Il songeait à la hautaine façon dont Violante avait reçu et repoussé ses excuses ; il eût voulu en être blessé, mais cette hauteur vraiment seyait trop bien à Mlle de Bochardière. Il pensait qu’elle était belle, et que son âme, plus belle encore que ses traits et que sa grande tournure, était comme un diamant serti dans une ciselure d’or. Ayant fait mentalement cette comparaison. Martel VI sourit de lui-même et dit : Que me fait tout cela ? — Le vent du soir au même instant, comme on traversait une clairière, lui fouetta le visage et lui envoya par épaisses et tièdes bouffées les senteurs des pousses nouvelles et de l’herbe fleurie. Jamais auparavant il n’avait remarqué la présence du printemps dans ces lieux sauvages, et il se mit à songer encore à mille choses qui jusque-là n’avaient été pour lui que de tristes mots peignant le bonheur des autres, au renouveau des bois et à la jeunesse de l’homme, aux fêtes de la nature et de la vie. Et du sein de ces félicités, qui sont

  1. Voyez la Revue du 15 mai et du 1er juin.