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l’inscription sous l’abondance du commentaire : le document cité n’est souvent qu’un prétexte qui permet à l’auteur d’étaler avec complaisance le résultat de ses profondes études ; mais, si ces quelques excès d’une érudition qui ne sait pas toujours se retenir peuvent être regardés comme un défaut de méthode, il faut avouer qu’ils sont fort utiles au lecteur qui veut s’instruire. Les esprits sérieux qui trouvent qu’un livre est bon quand il leur apprend quelque chose seront certainement satisfaits de celui de M. Le Blant.

Le mérite principal de cet ouvrage, c’est qu’il n’a pas été entrepris pour défendre un parti, qu’il n’y paraît aucune trace de nos polémiques, que l’auteur reste impartial et calme en un sujet qui pouvait être brûlant. On n’aborde aujourd’hui l’histoire de l’église qu’avec des idées préconçues, et l’on ne cherche plus dans les faits qu’on étudie que des argumens pour ses opinions. M. Le Blant n’agit pas ainsi. Sans doute on s’aperçoit vite qu’il est un fils respectueux de cette église dont il étudie les origines, mais le respect n’exclut pas chez lui la liberté. Quelles que soient ses convictions, la science n’a rien à craindre d’elles ; elle est en sûreté dans ses mains, et nous pouvons être certains qu’il ne la sacrifiera jamais à ses croyances. M. Le Blant en a donné, il y a quelques années déjà, une preuve que je veux rappeler ici, parce qu’elle fait honneur à son impartialité. On sait que certains tombeaux des catacombes portent scellés sur leurs parois extérieures un petit vase de verre ou de terre cuite qui renferme une matière colorée. Leibnitz a cru reconnaître que cette matière était du sang. La cour romaine, s’appuyant sur ce témoignage, regarde ces tombes comme celles des martyrs et livre les corps qu’elles contiennent à la vénération des fidèles. C’est ainsi qu’en 1853 on a accordé à la cathédrale d’Amiens les restes d’Aurélia Theudosia, que son mari qualifie dans son épitaphe de benignissima et incomparabilis femina. Il a suffi qu’on trouvât le vase de sang près de son tombeau pour qu’elle devînt aussitôt sainte Theudosie. Cependant tous les savans ne partagent pas la confiance de la cour de Rome. Il y a près de deux siècles qu’un prêtre, Mabillon, avait fait des réserves et soulevé timidement quelques doutes. Il écrivait à un ami qu’il pourrait dire à ce propos bien des choses qui ne seraient peut-être pas inutiles, mais que son respect pour le saint-siège et la congrégation des rites l’empêchait de parler. M. Le Blant, qui n’a pas les mêmes motifs de se taire, a repris la question et l’a traitée dans un opuscule auquel il me semble difficile de répondre[1]. Il fait voir que cette importance attribuée au vase de sang est très récente, et que les écrivains anciens n’en

  1. La Question du vase de sang, par M. Ed. Le Blant ; Paris, Durand, 1858.