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L’ancien cône de Nea Kameni, qui a 109 mètres de haut, domine tout le champ de l’éruption. Le cratère qui en occupait le sommet était irrégulier, encombré d’énormes blocs de lave qui lui donnaient un aspect assez différent de ceux du Vésuve et de l’Etna. L’éruption nouvelle y a produit deux crevasses profondes, larges de trois à quatre mètres, au fond desquelles se trouvaient des fumerolles exhalant de la vapeur d’eau et de l’acide sulfhydrique. L’une de ces crevasses s’étendait du bord oriental jusqu’au centre du cratère; l’autre en contournait tout le bord méridional. Le sol était couvert d’une multitude de blocs qui ont été lancés par l’île George le 20 février et les jours suivans ; la plupart étaient très petits, il y en avait cependant qui présentaient un volume considérable, et en les voyant nous comprenions fort bien les dangers qu’avaient courus les membres de la commission scientifique grecque au moment où ils avaient été exposés à la chute de ces morceaux de lave. Plusieurs fois nous sommes revenus en ce lieu, d’où l’on apercevait tout l’ensemble de l’éruption. Une fois entre autres, nous avons fait cette ascension en compagnie de M. Christomanos, qui n’y était pas remonté depuis le 20 février. En parcourant ce cratère où il avait couru de si grands périls, il ne pouvait se défendre encore d’une certaine émotion.


II.

Au mois de mai, je revenais à Santorin après une absence de quelques semaines. J’avais pu pendant ce temps visiter les parties de la Grèce qui, à diverses époques, ont été le siège de phénomènes volcaniques. A mon retour, une première excursion me permettait de constater qu’il s’était produit des changemens considérables dans toute l’étendue du champ de l’éruption. Les détonations étaient plus fortes et plus fréquentes qu’autrefois; des projections abondantes s’y produisaient à chaque explosion; il semblait qu’il y eût une recrudescence marquée dans l’intensité des phénomènes. La partie culminante de l’île George s’était déplacée de 50 mètres environ vers le sud en se rapprochant du bord de la mer, sans que la hauteur eût beaucoup varié. Ce monticule formait toujours une masse conique composée de blocs irréguliers entassés pêle-mêle, dont quelques-uns avaient un volume énorme et dont la plupart étaient fortement altérés par la vapeur d’eau et les émanations acides. Le sommet en était creusé d’un vaste cratère rempli en grande partie par un amas de lave recouvert de fragmens scoriacés. Entre ces amas volumineux et la paroi du cratère, il n’existait qu’un étroit espace, une sorte de fossé circulaire du fond duquel s’échappaient constamment en sifflant de puissans jets de vapeur, et de temps en temps, au moment des explosions, des fumées épaisses composées de cendres et de vapeur d’eau, qui s’élevaient dans les airs à de grandes hauteurs, et auxquelles les gens du pays ont donné le nom de ϰουνούπιδι (kounoupidi) (choux-fleurs) à cause de la forme qu’elles affectaient. Aphroessa, réunie d’un côté à Reka et jointe de l’autre à Nea Kameni, offrait encore un som-