« quoique cette vérité, ajoutait-on, déplaise aux hommes de cette génération. »
« Trois grands hommes ont présidé à l’inauguration de l’Ancien Testament, Abraham, Isaac et Jacob, le dernier accompagné de douze personnages (les douze patriarches). Trois grands hommes ont présidé à l’avénement du Nouveau Testament, Zacharie, Jean-Baptiste et le Christ accompagné de ses douze apôtres. De même trois grands hommes présideront à la fondation du troisième état, qui est celui des moines : l’homme vêtu de lin (Joachim), l’ange portant la faux aiguisée (saint Dominique[1] ?), et l’ange portant le signe du Dieu vivant (saint François), par lequel Dieu a renouvelé la vie apostolique, et qui a eu douze apôtres comme le Christ. L’an 1200 a été ainsi l’année de l’avènement des hommes nouveaux, l’année où l’Évangile du Christ a perdu sa valeur.
« La doctrine de Joachim abroge l’Ancien et le Nouveau Testament. L’Évangile du Christ n’a pas été le véritable Évangile du royaume ; il n’a pas su bâtir la véritable église[2]. Il n’a conduit personne à la perfection[3]. Le règne appartient maintenant à l’Évangile éternel, qui, annoncé par la venue d’Élie, va être prêché à toute nation. Les prédicateurs de ce nouvel Évangile seront supérieurs à ceux de la primitive église. À l’approche du jour solennel, ceux qui président à l’ordre des moines devront se détacher de plus en plus du siècle, et se préparer à revenir au peuple antique des Juifs. Le triomphe de l’ordre des moines, ajoutait-on obscurément, s’effectuera par un homme ou par quelques hommes qui en seront les représentans, et dont la gloire sera celle de l’ordre lui-même. Il s’élèvera de l’ordre des religieux un homme qui sera préféré à tous les autres en dignité et en gloire. Ce triomphe sera précédé du règne de l’abomination, c’est-à-dire du règne d’un faux pape simoniaque, qui occupera le siège pontifical vers la fin du sixième âge du monde. « Cette tribulation, disait frère Gérard, sera telle qu’il n’y en aura jamais eu de semblable, et elle se produira aussi bien dans l’ordre temporel que dans l’ordre spirituel ; elle aura lieu vers l’an 1260. Alors paraîtra l’Antéchrist. Puis, après un court intervalle de paix, commencera une tribulation pire encore. Celle-ci sera toute spirituelle et par conséquent plus dangereuse. »
À ces vues se rattachaient des calculs empruntés à Joachim sur les généalogies de l’Ancien Testament considérées comme prophétiques[4], et un ensemble de prédictions où la haine contre l’église de Rome et contre les puissances du siècle se donnaient pleine
- ↑ Cette interprétation n’est pas donnée dans les manuscrits, sans doute parce que les censeurs dominicains hésitèrent à mêler le nom de leur patriarche à ces systèmes dangereux.
- ↑ « Nec ædificatorium ecclesiæ », et non « Nec ædificatio », comme porte d’Argentré.
- ↑ « Quod evangelium Christi neminem ducit ad perfectionem, » omis par d’Argentré.
- ↑ « Primus est error enumerandi carnales genealogias, » et non « annales » comme porte d’Argentré. Il faut lire ensuite : « Secundus est studium noscendi momenta et tempora eorum quæ venient vel venerunt in secundo statu mundi per ea quæ venerunt in primo statu mundi… »