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LES VOIES ROMAINES EN GAULE.

été retrouvées encore en place. Plusieurs, par le soin apporté dans l’exécution et la beauté des caractères qu’on y a gravés, constituent de véritables monumens ; on y lisait souvent tout un ensemble d’indications de distances analogues à celles que l’on trouve aujourd’hui consignées sur des plaques ou des écriteaux à l’entrée de nos villes. C’est ce qui a été observé pour le milliaire découvert à Tongres et pour celui d’Alichamp.

On comprend qu’il suffisait de relever sur les grands chemins de l’empire ces indications lapidaires pour dresser un tableau donnant la longueur, la direction et le parcours des voies de l’empire. C’est ainsi qu’on arriva à composer ce qu’on appela des itinéraires, véritables livres de poste dont se servaient les voyageurs en vue de régler leur route et leurs étapes. Quelques-uns de ces itinéraires nous sont parvenus : l’un d’eux porte le nom d’Itinéraire d’Antonin, parce que la rédaction première de cet ouvrage remonte à l’empereur de ce nom ; mais sous la forme où nous le possédons aujourd’hui, il a évidemment subi des additions et des remaniemens. On conçoit qu’il fallût donner de temps à autre de nouvelles éditions de pareils livres, afin d’y introduire les routes récemment ouvertes, les changemens de stations qui avaient été opérés et les rectifications dues à une connaissance plus exacte des distances. Un autre itinéraire, d’une date plus récente, car il ne remonte qu’à la fin du IVe siècle de notre ère, donne le tracé de la route de Bordeaux (Burdigala) à Jérusalem et d’Héraclée à Milan (Mediolanum), en passant par Rome. Des itinéraires étaient aussi quelquefois inscrits sur des vases consacrés sans doute comme ex voto par des pèlerins qui voulaient y rappeler la longue route qu’ils avaient parcourue. C’est ainsi qu’en 1852 on a découvert à Vicarello, près de l’ancien lac Sabatinus, là où se trouvaient les aquœ Apollinares, très renommées par leur vertu chez les anciens, quatre vases d’argent sur chacun desquels est inscrit l’itinéraire de Gades (Cadix) à Rome. On y lit, comme dans les deux itinéraires dont il vient d’être question plus haut, le chiffre des distances évaluées en milles romains. Pour le nord de la Gaule, on comptait de préférence par lieues, mesure qui était environ le double du mille romain. Ces chiffres de distances sont très précieux pour déterminer l’emplacement des localités antiques. Malheureusement ils sont loin d’être toujours concordans, les copistes ayant commis de nombreuses erreurs. Ce n’est que par une discussion attentive et sévère de ces documens qu’on peut arriver à éclairer les problèmes géographiques auxquels ils se rattachent[1].

  1. C’est ainsi qu’a procédé la commission instituée par l’empereur en vue de dresser la carte des Gaules, et à laquelle nous devons, pour cette contrée, un tracé des voies romaines plus complet et plus rigoureux que celui qu’on avait jusqu’à présent tenté. Les deux membres les plus actifs de cette commission, M. le général Creuly et M. Alexandre Bertrand, sont ainsi parvenus à corriger les erreurs nombreuses dont ne sont pas même exempts les travaux du géographe D’Anville, si supérieurs à ceux qui ont été exécutés après lui.