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REVUE. — CHRONIQUE.

wigk passait pour rétrograde chez certains bons esprits dont le parti prussien exploitait avec habileté le mécontentement, et qu’on eût souhaité à ce ministre plus de résolution à se séparer des intérêts cléricaux. Il résultait de là bien des tiraillemens entre le parti gouvernemental conservateur et le parti démagogique appuyé par la Prusse, et persistant à se poser dans l’avenir comme l’appui par excellence de la princesse Alice d’Angleterre, laquelle se voyait d’avance, et bon gré, mal gré, vouée au rôle d’une grande-duchesse progressiste de Hesse-Darmstadt : discussions domestiques qui naturellement devaient se taire devant l’entrée en scène des Prussiens de M. de Bismark, car en présence de cette pièce-là toute comédie cesse. Il n’y a plus désormais qu’unité d’action et de haine, libre à chacun d’être Russe s’il veut ; la grande affaire est d’être anti-Prussien. Chose étrange, voilà M. de Dalwigk qui devient populaire, et tous les cœurs lui savent gré d’avoir déclaré, il y a deux mois, que « l’ennemi était celui qui le premier violerait la diète fédérale ! »

Entrons en Wurtemberg ; qui trouvons-nous ? « Un roi et une reine, » comme dans les contes de fées. Encore une cour russe, dit l’étranger dans sa légèreté. L’étranger se trompe, on n’est pas Russe dans ces vallons et ces forêts de la vieille Franconie, de l’antique Souabe ; sous l’ombre de ces montagnes d’où sont partis les Hohenstaufen, de ces chênes séculaires qui abritèrent Charlemagne, il n’y eut jamais, il ne saurait y avoir jamais que des Allemands, Allemands depuis le grand comte Eberhard de la légende jusqu’au grand poète Uhland, Allemands exclusifs, invétérés ! Personne sans doute n’oserait contester le crédit de la grande-duchesse Olga, femme à tous les points de vue supérieure, et qui naturellement exerce une influence considérable, qui l’exercerait partout ; mais ce qu’on ne se dit point assez, c’est que la grande-duchesse de Russie est aujourd’hui bel et bien une souveraine allemande, qu’elle met à l’être toute sa gloire, et très sagement, dans tout ce qu’elle fait, prend conseil du roi Charles.

Une grande rectitude d’esprit, beaucoup d’honnêteté, de bonté, d’intelligence, un vrai libéralisme, voilà le roi de Wurtemberg. Son père, ainsi que trop souvent il arrive, se plaisait à le déprécier, voyant en lui moins un fils qu’un successeur. Lorsqu’il monta sur le trône, tout le monde l’ignorait, sa popularité, grâce à l’excellent fond qu’il possède à part lui, n’en devait pas souffrir. Entre le roi de Wurtemberg et son peuple existe un étroit lien d’estime et d’affection. La première mesure de son gouvernement fut la levée des restrictions gênant la liberté de la presse et le droit de réunion, et l’on peut dire que, depuis ce jour et par l’initiative même de son souverain, ce petit pays de Wurtemberg jouit d’une somme de libertés politiques et autres dont de bien grands états aimeraient à s’enorgueillir. Le roi Charles est un patriote allemand fort décidé et fort résolu à défendre les droits fédéraux. À monarque déterminé, ministre énergique : M. de Varnbühler est cet homme, pratique, tout moderne, cherchant beaucoup du côté de l’économie politique, épris des problèmes commerciaux et industriels ; à lui, le Wurtemberg doit en grande partie la prospérité de sa situation actuelle, l’état progressif de ses finances. Au portefeuille des affaires étrangères M. de Varnbühler réunit celui des travaux publics. Il a couvert le territoire de chemins de fer, de communications de toute sorte, mis en pleine vigueur