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prendra de plus en plus à mesure que les cours du coton fléchiront. Avant la guerre américaine, le mako se vendait de 70 à 87 francs le quintal ; le prix de revient était, pour le propriétaire égyptien arrosant sa terre avec un puits à roue, de 60 à 70 francs le quintal. Ce prix de revient s’est élevé, par suite de l’épizootie, de l’enchérissement de la main-d’œuvre, du taux élevé de l’argent et de la rareté des vivres, à environ 114 fr. 50 c. On peut compter que, grâce à l’introduction des pompes locomobiles, le coton ne coûtait pas au producteur égyptien dans ces derniers temps plus de 102 fr. le quintal ; il ne lui aurait coûté que 83 francs, si on avait appliqué sur une large échelle le système Lucovich. Le prix de vente est monté au contraire à 275 francs le quintal. Ces chiffres servent à montrer les larges bénéfices dont le coton a été la source pour l’Egypte ; ils montrent également que, si le prix tombe à 130 francs le quintal, le fellah n’aura plus guère d’avantage à le cultiver. La production cotonnière reviendra sans doute à ce qu’elle était avant que n’éclatât la rébellion américaine. Elle se relèvera un peu, si le gouvernement, ce qui n’est guère probable, renonce à ses préventions contre les compagnies européennes, et se décide à faciliter l’irrigation économique des terres à coton. Même avec les taux actuels, l’épuisement de l’Egypte et l’appauvrissement général feront certainement descendre la récolte de 1866 au chiffre de 1 million de quintaux. Telles sont les ressources que l’on peut attendre de l’Egypte pour l’avenir.

Ne quittons pas la côte septentrionale de l’Afrique sans mentionner l’Algérie, pour mémoire seulement, car elle ne figure dans la liste des contrées qui ont contribué à l’approvisionnement régulier de l’Europe que pour un chiffre insignifiant. Les encouragemens du gouvernement français n’ont pas manqué, quelques efforts isolés ont été faits ; le sol et le climat favorisent singulièrement sur certains points la croissance de la plante ; néanmoins la production cotonnière a été presque nulle. Cela était facile à prévoir : la main-d’œuvre est trop chère en Algérie pour que la culture du coton puisse s’y propager et devenir rémunératrice. Il en sera ainsi tant que le Bédouin n’aura pas renoncé à la vie nomade, tant qu’il professera pour le travail des champs un suprême mépris, et qu’il se contentera de cultiver d’un air dédaigneux et superbe quelques lopins de terre disséminés dans de vastes déserts, sans renoncer, même dans l’accomplissement de ces sommaires besognes agricoles, au long mousquet, son inséparable compagnon. Les cours excessifs qui ont régné sur les marchés du continent depuis 1861 ont été à peine suffisans pour que les rares planteurs algériens qui se sont livrés à la culture du coton aient pu réaliser un bénéfice raison-