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grand-aumônier, d’un cardinal, allié à tous les plus grands du pays, et dont les périls, elle le savait bien, avaient remué jusqu’à la révolte la plus haute société, la cour, le parlement! Quoi! le coup terrible de cette affaire qui avait livré son nom royal en proie aux plus abominables calomnies aurait glissé sur son cœur sans laisser de traces ! Les témoignages unanimes des contemporains ne seraient qu’un vain murmure! Lisez donc les mémoires du temps. Eh ! ne voit-on pas que la reine avait intérêt à se voiler, en cette occurrence, devant ce Joseph II surtout, qui l’avait si rudement flagellée sur sa tenue publique et privée, sur sa présence aux bals de l’Opéra. Voilà de ces paradoxes qui portent malheur.

L’auteur des articles déchire également d’une dent superbe les trois lettres de la reine relatives à Mirabeau[1]. Ces lettres qui proviennent de l’un des agens de confiance de Marie-Antoinette, le général baron de Flachslanden, sont tout aussi authentiques que celles des archives impériales de Vienne, que, dans l’exagération de son système, le critique oppose comme les seules dignes de foi. Je ne demande d’indulgence à personne, et ne m’en soucie point; mais tous les hommes se doivent les égards de la mesure et de la justice. J’ai le droit, pour mon compte, de l’exiger, et j’avoue ne point comprendre le ton absolu avec lequel on se permet de répéter, en parlant de pièces excellentes sorties de sources honnêtes ; « l’œuvre apocryphe, » « les textes apocryphes, » « la correspondance apocryphe, » « les faux, » « les documens supposés. » Il y a là une agression téméraire et provocante dont il faut faire justice. Ne pourrait-on donc discuter sans essayer de flétrir? Ne pourrait-on circonscrire rondement le débat, et la bonne foi comme l’équité ne commandent-elles pas, lorsqu’on oppose un recueil étranger à un recueil national, de laisser à ce dernier la place qui lui est due, de ne pas en parler de façon à jeter un voile général, une entière confusion dans l’esprit du lecteur, de façon à faire oublier que les quatre-vingt-quinze centièmes du recueil proviennent d’archives d’état et de portefeuilles de grandes familles? Malgré cette accumulation de misérables tracasseries, j’achèverai sans broncher l’œuvre de conscience que j’ai entreprise, et qui servira, je l’espère, les historiens à venir. Aussi bien fallait-il une contre-partie aux clameurs de ces classiques de la révolution, de ces hideux hurleurs de l’éloquence des clubs, qu’on affecte d’exhumer et d’exalter de nos jours: les Marat, les Danton, les Anacharsis Clootz, les Saint-Just, les Robespierre, ces saints de la montagne : terribles voix qui chantent le paradis perdu de l’assassinat et du sang.

  1. Jeudi 22 avril 1790, 7 juillet 1790, 22 octobre 1790.