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Aussi, au point où les choses en sont venues, faisons-nous bon marché des récriminations qu’on pourrait élever sur la politique qui a laissé se produire et qui a peut-être préparé par des moyens indirects la situation présente; si des fautes ont été commises, et pour notre part nous n’avons pas fait autre chose depuis trois ans que de les signaler d’avance et jour par jour, nous croyons devoir en laisser le jugement à l’histoire, et nous n’en voulons plus mêler l’aigrissant souvenir à la controverse actuelle. Dans une cause où il va des intérêts les plus vitaux de la France, nous renonçons aux critiques stériles; c’est au contraire le concours le plus cordial que nous voudrions donner à un mouvement de politique nationale.

C’est donc l’état de l’Allemagne et le travail qui s’y opère que nous devons prendre avant tout en considération. Nous l’avons déjà dit précédemment, à côté de la question allemande la question italienne est aujourd’hui secondaire et épisodique. La question italienne peut être regardée dès à présent comme résolue et close au point de vue des sympathies françaises, car de toute façon la Vénétie sera réunie à l’Italie, et l’indépendance territoriale de la péninsule sera achevée. Au surplus, toutes les fois que la France a eu des affaires en Allemagne, les affaires italiennes sont devenues secondaires pour elle. L’Italie était le luxe et la fantaisie de notre politique; les périls formidables, les menaces terribles ne nous sont jamais venus de là. Nous y luttions suivant les idées des temps, pour des prétentions héréditaires, pour des influences, pour découper des apanages en faveur des branches cadettes de nos dynasties. Depuis François Ier jusqu’à Napoléon, nos grandes affaires, celles où l’existence nationale a été en jeu et a grandi, ont été avec l’Allemagne. C’est là que nous avons vraiment combattu, nous, les batailles de notre indépendance, que nous avons développé la formation et conquis la configuration de notre territoire. Or la politique de la France envers l’Allemagne n’a point été le produit d’un système : elle est née des circonstances et de la nature des choses; une pratique de trois siècles en a fait une politique en quelque sorte scientifique, c’est-à-dire expérimentale. Ce qui a donné à cette politique son efficacité constante, c’est qu’elle ne prétendait point imposer au corps germanique des conditions arbitraires, c’est qu’au contraire elle était fondée sur la nature même de l’Allemagne. Nous n’avons jamais été, à proprement parler, envers les populations allemandes des conquérans et des dictateurs; l’ennemi que nous combattions en Allemagne fut toujours celui qu’une partie de l’Allemagne regardait elle-même comme son ennemi, celui qui voulait absorber dans son pouvoir toutes les forces germaniques: c’était la maison d’Autriche, la maison impériale. L’esprit de race, les divisions religieuses, la géographie, l’histoire, rendaient l’Allemagne antipathique à l’unité de pouvoir à laquelle aspiraient Charles-Quint et ses successeurs. Il y avait toujours dans les états germaniques des résistances aux tendances unitaires des empereurs de la maison d’Autriche. Pour maintenir