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Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 64.djvu/548

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ponses évasives. Si je n’avais pas été mieux éclairé, c’était ma faute ; il ne faut jamais s’en prendre aux autres des fautes que l’on commet, même quand ce sont des fautes généreuses.

Que s’était-il donc passé depuis que cet amour de Tonino pour sa cousine avait paru prendre (in dans les bras de Vanina et dans le sourire de son premier enfant ?

Rien peut-être ?

Allons donc ! on m’avait menti, on s’était caché de moi, donc on était coupable, et cette fois criminel, car on s’était indignement joué de ma bonne foi. On m’avait témoigné de part et d’autre une affection ardente, on s’était vanté de dévouemens sublimes. J’étais la plus risible idole qu’on eût jamais encensée et parée de fleurs pour lui cracher à la figure.

Il fallait pourtant le savoir, ce qui s’était passé. J’étais résolu à le savoir pour apprécier le degré d’indulgence ou de sévérité dont j’avais à faire usage. Ah ! que j’étais peu fait pour ce métier d’espion, et quel dégoût insurmontable il me causait !

C’était le devoir, je me soumis. Je me mis à explorer le rocher où j’avais failli surprendre le rendez-vous. Je découvris une grotte bien enfouie où l’on pénétrait par la voûte crevassée du massif. Monter au faîte de cet édifice naturel et descendre dans l’intérieur par la corniche était une entreprise assez difficile et périlleuse. Félicie n’avait pas reculé devant l’effort et le danger. Une crypte bien abritée avait caché la honte de ses adultères amours. Un rayon de soleil venait s’éteindre brusquement au seuil, un éboulement de sable fin tamisé par le vent dessinait un méandre à l’entrée, et il fallait marcher sur ce sable pour gagner l’endroit obscur et fermé à tous les regards. Avant d’y poser le pied, je l’explorai attentivement. J’y vis la trace toute fraîche d’une chaussure d’homme.

Tonino était donc là ? Il attendait sa complice. Ils ne s’inquiétaient pas de m’avoir vu une fois rôder aux alentours. Ils ne se disaient pas que j’avais pu les apercevoir et concevoir des soupçons ? Il fallait que leur faute fût ancienne et que leurs entrevues fussent fréquentes pour qu’il y eût tant d’effronterie et de confiance dans l’impunité acquise.

Je les tenais là, tous deux peut-être, ou j’allais les tenir dans un instant ! mais je ne voulais pas encore les briser. Aussi je fus content lorsqu’à la place de Tonino je vis Sixte More sortir de la grotte et venir à ma rencontre.

— Enfin vous y voilà ! ∞ me dit-il avec amertume. Vous avez trouvé leur piste et vous savez la vérité ; mais vous venez trop lard ; eux, ils n’y viennent plus. Moi qui connaissais cette grotte et qui croyais être seul à la connaître, car c’est ici chez moi, je voulais les y surprendre, leur faire honte, ameuter le pays contre eux…