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rière entre les nouveaux ports et Marseille. La dépense de cette première catégorie de travaux était estimée à 22,300,000 fr. Une autre somme de 17,700,000 fr. était destinée aux rues des faubourgs, aux égouts, aux jardins, aux édifices. Déjà la question des monumens publics préoccupait, comme elle n’a cessé de le faire depuis lors, l’opinion avant toutes les autres. L’amour-propre des Marseillais ne tolérait plus l’état d’infériorité de leur ville sous ce rapport. A une première visite de l’empereur fut résolue la construction d’une nouvelle cathédrale au centre de la vieille ville, sur une esplanade au-dessus des quais, dominant à la fois et le port et la mer; mais en même temps d’autres impatiences se manifestaient, auxquelles les successeurs de M. Honorât ont dû se mettre en devoir de répondre. Palais, églises, musées, casernes, hôpitaux, on s’est pressé de tout faire, et, comme il était facile de le prévoir, on a fiait trop vite. Le génie est toujours chose rare, en architecture comme dans les autres arts. Marseille n’a pas eu la fortune de retrouver ce Puget que les édiles du XVIIe siècle ne surent pas utiliser. Quelques-uns des nouveaux monumens sont bien appropriés à leur emploi, le talent qui a préparé et exécuté les plans se recommande quelquefois par de sérieuses qualités; mais, sans faire ici de critique spéciale, on doit reconnaître que l’improvisation, cette faculté des races méridionales, laisse surtout des regrets quand elle s’applique à l’architecture. Au lieu de construire à la fois la cathédrale, le palais impérial, la bourse, le palais de justice, la bibliothèque, le musée de Longchamp, la préfecture, massif et coûteux édifice, l’observatoire, trois églises, trois hôpitaux, deux casernes, mieux valait sans doute éprouver par de premières œuvres le talent des artistes, pour ne confier les secondes qu’à des mains sûres. Ce n’est pas tant au point de vue de l’économie des deniers publics et de la proportion à maintenir entre les recettes et les dépenses que cette règle paraît bonne à suivre, c’est surtout au point de vue de l’art et du renom que la génération actuelle conservera dans l’avenir. Si le présent souffre du retard apporté à la satisfaction de ces besoins d’imagination dont les populations se montrent tourmentées, on fait un mauvais calcul en s’efforçant de les contenter aux dépens du bon goût et de l’élégance. Ces réflexions, prises à la lettre pour tout ce qui s’est fait à Marseille, dépasseraient la limite du juste et du vrai. Elles nous sont venues à l’esprit lorsque, cherchant à prévoir l’effet que doit produire le nouveau musée, encore inachevé, nous regrettions qu’il ne fût pas égalé en mérite et en beauté par les autres créations si nombreuses dont Marseille s’est enrichi depuis dix ans.

Pour rendre à chacun la part qui lui est due, nous devons dire