ou condamné par la morale, est absous par la logique. Parmi les faits qu’il raconte et les thèses que ces faits lui suggèrent, il en est de contestables; mais, le point de départ une fois admis, tout se déduit avec une réalité inflexible. Nous disons réalité et non pas fatalité, ce qui est fort différent. La fatalité ôte à ses victimes la responsabilité de leurs actes. Ici les deux victimes, — Pierre Clemenceau et sa mère, — ne peuvent s’en prendre qu’à elles-mêmes des malheurs qui les frappent.
Pierre Clemenceau est un fils naturel, abandonné par son père. Nous voici dès le début en pays de connaissance. M. Dumas avait déjà traité au théâtre ce sujet du fils naturel, et, sans remonter à de trop lointaines origines, il nous suffit d’un pas en arrière pour nous trouver en présence d’Antony. Antony était de son temps : Clemenceau est-il du sien? Nous savons bien que l’auteur du roman nouveau a choisi les années de la restauration comme date de ses premiers chapitres ; mais il en est de certaines œuvres d’art comme du timbre inexorable de la poste, qui dément les lettres anti-datées. Il y a en réalité trente-cinq ans de distance entre le héros du drame et celui du roman. La veille ou le lendemain de la révolution de juillet, les anathèmes d’Antony contre une société qui échappait à peine à des velléités d’ancien régime, avaient, jusque dans leur emphase, une portée et un sens. Pierre Clemenceau doit savoir, par d’illustres ou de célèbres exemples, que le préjugé social dont il se plaint s’est, dans ces derniers temps, singulièrement affaibli, que la qualité de fils naturel ne porte plus malheur à personne, et que la blessure dont il souffre n’est plus pour bon nombre de ses contemporains qu’une glorieuse cicatrice couverte de décorations. Cette première erreur d’optique en amène une autre, facile à signaler pour quiconque fut écolier pendant ces mêmes années de 1820 à 1830. Mme Clemenceau la mère, qui exerce le modeste état de lingère, place son fils dans un pensionnat aristocratique, premier tort qui doit peser sur toute la destinée de Pierre! L’illégitimité de sa naissance l’expose aux railleries de ses camarades, et il en résulte chez lui un travail intérieur qui fera explosion plus tard. Ceci prouve que M. Dumas est moins heureux dans l’observation rétrospective que dans celle des mœurs actuelles. Tous ceux qui ont fréquenté à cette date les collèges de Paris lui diront que le vent ne soufflait pas du tout de ce côté-là, que les injustices et les sarcasmes de la jeunesse d’alors étaient d’un tout autre genre. Le fils d’un homme de cour ou d’un député de la droite aurait eu plus à souffrir que l’enfant d’une lingère né d’un père inconnu. Cette remarque a son importance dans une œuvre où la réalité domine. Les inexactitudes de détail sont à peine visibles dans un discours d’apparat; elles sautent aux yeux dans un procès-verbal ou un mémoire.
Ces réserves faites, il n’y aurait plus qu’à louer ces premiers chapitres de l’Affaire Clemenceau. C’est une aimable peinture d’intérieur que celle de cet atelier de travail où de jeunes ouvrières, groupées autour de