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où ils puisent expérimentalement leurs doctrines; il est manifeste qu’ils ne rentrent pas dans la biologie; M. Comte n’en a point traité dans sa philosophie; j’y reviendrai plus loin.

Ne pas admettre, dit M. Mill, et c’est le second chef de son objection, la psychologie dans la série des sciences, c’est vicier cette série, c’est rendre défectueuse la philosophie qui s’appuie dessus, car on sait que le fondement de la philosophie positive est dans la série hiérarchique des sciences. Toute ma réponse est dans la distinction que je viens de faire. S’agit-il des facultés, le reproche porte à faux, car il en a été question en biologie tout autant qu’il était nécessaire pour la fondation de la philosophie positive. S’agit-il des produits de ces facultés, idéologie, logique, esthétique, morale, le reproche porte encore à faux, car ces embranchemens, productions des facultés qui y correspondent, n’impliquent rien qui modifie la place hiérarchique des facultés et leur considération dans la conception du monde. Pour cette conception, il fallait la place hiérarchique des facultés, il ne fallait pas leurs produits.

Je continue l’examen de l’objection. « La branche psychologique, dit M. Mill, de la méthode positive aussi bien que la psychologie elle-même, M. Comte les délaissa, et elles furent placées dans leur vraie position comme partie de la philosophie positive par des successeurs qui se mirent convenablement au double point de vue de la physiologie et de la psychologie, M. Bain et M. Herbert Spencer. » Que M. Herbert Spencer et M. Bain aient avancé l’étude des facultés cérébrales au-delà du point où elle était du temps de M. Comte, je le constate avec reconnaissance : on l’avancera encore après eux, et cela ne touche en rien à la philosophie positive, pas plus que n’y touchent les découvertes faites postérieurement à M. Comte en chimie ou en physique; mais on insiste, et l’on dit que la place est vide où l’on devrait trouver la branche psychologique de la méthode positive, comme on trouve à leurs places respectives la branche biologique, la branche chimique, etc., de cette même méthode. Si j’interprète bien les mots : « branche psychologique de la méthode positive, » ils signifient la philosophie de la psychologie. La philosophie de la psychologie, ou étude générale des facultés tant dans leurs rapports entre elles que dans leurs rapports avec l’organisation (chose indispensable), ne peut être scindée de la biologie. Quant à la morale, à l’esthétique, à l’idéologie, là sans doute n’en est pas la place; mais leur théorie générale n’est pas plus partie intégrante de la philosophie positive que ne le serait la théorie générale du langage et de la grammaire, car vraiment pourquoi ne pas réclamer en faveur de celle-ci, fort considérable assurément, si l’on réclame en faveur de celles-là?

Si on définit la philosophie, comme je fais, une conception du