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Scott pour son pays et pour les héros, pour les poètes, pour les romanciers de son pays : Walter Scott était jacobite. Je ne parlerai même pas de Jeiffey, qui était whig et critique, lié d’intérêts avec les hommes les plus éminens d’Angleterre, et qui pourtant osait mettre les poèmes de Walter Scott avant ceux de lord Byron.

Comment s’étonner que M. Masson saisisse toutes les occasions de réjouir les cœurs écossais? S’il fait une étude sur Jeffrey, l’un de ses maîtres, elle devient un chapitre touchant l’influence écossaise sur la littérature; s’il écrit une histoire du roman, Walter Scott est le génie, le dieu de ce petit monument. S’il ébauche un tableau du mouvement contemporain de la philosophie en Angleterre, le tableau tourne à la défense du vénérable Hamilton contre le dédaigneux maître de la philosophie anglaise actuelle, M. Stuart Mill. Cependant le scotticisme de M. Masson (je lui emprunte ce mot) n’est pas seulement de surface. Comme on peut être un parfait Breton sans parler toujours de l’ajonc et de la bruyère, M. Masson est bon Écossais sans dire un mot du chardon. Il a ce qu’il appelle avec subtilité peut-être, mais les Écossais ne détestent pas la subtilité, il a le scotticisme intérieur, celui qui avec un tour de pensée écossais s’applique à des sujets nationaux, mieux encore à des sujets humains et généraux. Après cela, son patriotisme peut se livrer aux espérances, aux présages les plus flatteurs : que l’Ecosse ait, suivant son expression, un avatar littéraire aussi prolongé, aussi remarquable que son avatar philosophique, nous ne demandons pas mieux. « Du Solway à Caithness, s’écrie M. Masson, nous entendons comme un cri : Amen! » Cette foi nous plaît, et nous aussi nous disons : Ainsi soit-il!

Ce qui est plus sûr que les présages, ce sont les facultés sérieuses et fortes du génie écossais, ce scotticisme intérieur, composé de qualités héréditaires, de traits de caractère communs aux poètes comme aux prosateurs de ce pays. En quoi consiste ce tour de pensée, ce trait de famille qui est visible dans tous et que nous retrouvons dans l’écrivain qui nous occupe? Si nous le demandons à la tradition populaire, elle nous répondra que l’esprit écossais est synonyme de dogmatisme, d’entêtement d’opinion, de lutte de parole. Si nous le demandons aux critiques anglais, c’est à peu près la même chose qu’ils nous feront entendre. Interrogez Hazlitt, esprit caustique, mais jamais commun; il vous dira qu’un Écossais est comme ses pères armé en guerre et se battant sur le border (la frontière) envers et contre tous, qu’il semble vouloir atteindre la vérité à coups de poing, ou presbytérien compassé ou brigand, toujours excessif, toujours un peu sauvage et mal dégrossi par la politesse anglaise. Qu’en dit Charles Lamb, un humoriste sans amer-