vivifier l’esprit d’entreprise. Un pareil phénomène ne saurait se reproduire deux fois dans les mêmes proportions. La moisson la plus abondante était rentrée, les banques établies dans le cours des premières années de l’émancipation n’ont guère laissé qu’à glaner après elles. Il y a dix ans, il ne restait déjà plus que peu d’argent à recueillir ; les sommes inactives, bonnes à mettre en œuvre, ont encore diminué depuis. Les banques nouvelles, encouragées par les profits qu’avaient réalisés. leurs aînées, se virent obligées de leur disputer les capitaux. Une concurrence extrême s’établit pour attirer les dépôts, en leur assurant un intérêt qu’ils ne percevaient point jusque-là, ou en augmentant le taux de celui qui leur était servi. On alla chercher des spéculations donnant des profits élevés en province, dans les colonies et à l’étranger. On avait épuisé les avantages réguliers, on eut recours à des entreprises plus hasardeuses. Chacun s’empressait d’offrir des conditions meilleures aux capitaux dont on sollicitait le concours de toutes parts, car on ne pouvait rien faire sans argent. Les anciens établissemens solidement assis se trouvaient entraînés, eux aussi, dans une voie périlleuse, sous peine de voir diminuer leurs ressources et de perdre leurs cliens, éblouis par de plus larges promesses.
À ce moment, la loi de 1862, en ouvrant libre carrière à toutes les formes de sociétés à responsabilité limitée, est venue singulièrement aggraver la situation. Le parlement s’était longtemps refusé à cette concession réclamée par des esprits ardens. Il était inévitable qu’au moment où cette résistance était vaincue, où les digues étaient ouvertes, beaucoup de mauvaises compagnies allaient surgir, qu’elles allaient enchérir les unes sur les autres de promesses et d’avantages offerts. On créa surtout à l’envi de nouvelles sociétés de banque et des maisons d’escompte. Les anciennes faisaient beaucoup d’affaires, car il n’en existait même pas assez pour les besoins du commerce : elles payaient de gros dividendes ; d’autres les avaient suivies avec un succès moins éclatant, mais encore raisonnable. On touchait au moment où le sol financier épuisé allait manquer à la culture. Au lieu d’exploiter des terrains délaissés, les compagnies écloses au soleil de la responsabilité limitée se trouvaient réduites à enlever aux entreprises existantes une partie de leur domaine.
Au début de cette campagne, en 1862 et 1863, le taux de l’intérêt était bas. On éprouvait de la difficulté à employer sur le marché monétaire le capital disponible, et l’on se trouvait forcément poussé aux aventures. On l’a dit depuis longtemps, John Bull est capable de tout supporter, mais il ne résiste guère au péril de l’intérêt à 2 pour 100. Dès que le taux de l’argent se maintient d’une manière prolongée à un niveau très bas, s’il ne se présente pas de