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bonnes affaires, on en risque de mauvaises, on se lance dans les hasards ; les réserves se dissipent, le capital disponible est entamé, et une chute énorme ne tarde pas à succéder à l’effervescence de l’esprit d’entreprise. De là viennent les oscillations extrêmes de l’intérêt. C’est afin de les restreindre et afin d’empêcher que le balancier ne s’éloigne trop du centre de gravité, pour se précipiter vers la hausse, que des esprits éminens, entre autres M. Tooke et son digne disciple, M. William Newmarch, voudraient combattre une baisse exagérée. Chose singulière, tandis que des systèmes empiriques rêvent le taux à pour 100 comme limite maxima de l’escompte de la Banque, M. William Newmarch indique ce même chiffre de 4 pour 100 dans son dernier écrit, The recent financial Panic, comme la limite minima au-dessous de laquelle il serait interdit à la Banque d’Angleterre d’abaisser l’intérêt perçu. Elle devrait s’abstenir de prêter quand le niveau du marché libre se trouve plus bas, et profiter de ce temps d’arrêt pour s’approvisionner de métaux de manière à faire plus aisément face aux époques difficiles.

Nous préférons pour notre compte le libre jeu de l’offre et de la demande, nous n’aimons ni les maxima ni les minima imposés ; nous avons foi dans le cours naturel des choses, pourvu qu’il ne soit point faussé par des procédés artificiels, pourvu que l’on empêche les expansions violentes et les contractions subites de la monnaie fiduciaire, appelée forcément à jouer avec la monnaie métallique le rôle d’évaluateur commun de tout ce qui s’échange. Il faut que la circulation mixte, composée de métal et de papier se comporte comme le ferait une circulation purement métallique. En dehors de ce principe, il n’y a plus ni sincérité dans les prix, ni sécurité dans les transactions, et l’équilibre rompu entre les divers marchés, au lieu de se rétablir spontanément en vertu du libre commerce de l’or comme des autres marchandises, se trouve exposé à traverser des phases violentes.

La multiplication des compagnies de finance à responsabilité limitée a exercé une triste influence sur le marché. Elle a conduit à une exportation considérable du capital, placé à un intérêt d’autant plus élevé qu’il se trouvait exposé à plus de risques ; bien plus encore, elle a fait consacrer des sommes énormes à des avances engagées dans des affaires dont le produit ne couvrira jamais la dépense. La meilleure chance se présente quand les banques, s’étant fait garantir par plusieurs signatures, en rencontrent une bonne, qui paie pour les autres. Alors les compagnies de finance assistent impassibles à la ruine d’entreprises qu’elles ont provoquées par d’imprudentes facilités, et dont elles ont hâté la chute par la perception d’un intérêt exorbitant. Ne faut-il pas qu’elles distribuent