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le colon et ses bagages de Londres au lieu voulu; elle lui donnait 12 hectares de terre, et lui garantissait sa subsistance pendant six mois, le tout pour 625 francs. Était-il marié, il lui en coûtait 1,125 francs pour faire jouir sa femme des mêmes avantages, et recevoir 24 hectares au lieu de 12. De plus tout membre de sa fa- mille pouvait l’accompagner pour 150 francs. Ces conditions très avantageuses avaient le mérite de pouvoir s’appliquer aux colons les moins favorisés. Toutefois l’émigrant qui en est réduit à cette limite extrême ne doit pas être pris pour type. Supposons-lui donc un avoir de quelques milliers de francs à consacrer en premier lieu à l’élève des moutons. Il lui suffira dans ce cas d’une terre de qualité ordinaire, dont il pourra acquérir 400 hectares pour 5,000 fr. Deux cents moutons lui coûteront le même prix, et une troisième somme pareille assurera ses frais de premier établissement, ainsi que l’entretien de la première année. S’agit-il au contraire de cultiver le roseau destiné un jour, selon quelques enthousiastes, à faire sortir du pays le sucre par centaines de mille tonnes, les dépenses seront moins considérables encore. La terre à la vérité sera plus chère, mais il ne serait pas prudent d’en prendre plus de 80 hectares à 30 francs l’un; encore n’en faudra-t-il guère planter que 8 la première année en s’aidant de travailleurs indigènes, qui reviendront en moyenne à 180 francs l’un. Cette première année sera lourde, car elle ne coûtera pas moins de 9,000 francs sans rien rapporter; de même le budget de la seconde année n’ira pas loin de 4,000 francs pour défricher et planter 12 nouveaux hectares. En revanche, la troisième année indemnisera largement le colon par la récolte des premières cannes plantées, lesquelles lui rapporteront, vendues sur pied, au minimum 2,000 francs par hectare; on cite même des terrains où l’hectare a rapporté au-delà de 3,000 francs. Il ne restera qu’à envoyer les cannes à l’une des nombreuses usines qui se sont élevées sur la côte. Évidemment cette industrie ne donnera pas toujours des prix aussi magnifiquement rémunérateurs, car la terre ne pourra qu’augmenter de valeur; mais le but n’en sera pas moins atteint, et cette augmentation même sera le meilleur indice de l’accroissement de la population.

Les missionnaires ne jouaient pas un rôle moins actif ici que sur les autres frontières de la colonie. Le gouvernement avait si bien apprécié leur bienfaisante influence, que dès l’émigration de 1820 il pourvoyait lui-même aux principaux besoins de tout ministre librement choisi par un groupe de cent colons, quelle que fût d’ailleurs sa dénomination. Les méthodistes se trouvèrent ainsi former dans la province orientale une majorité assez sensible, et ce fut à ce fait, non moins qu’à l’initiative dévouée de M. William Shaw, que