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CUBA ET LES ANTILLES

I.
LA HAVANE, UNE VILLE DES TROPIQUES.

21 février 1865.

Nous sommes à la Havane, dans la Capoue du Nouveau-Monde, dans les délices de la reine des Antilles. Pour vous jeter tout de suite in medias res, souffrez que je vous introduise familièrement dans la chambrette où j’écris, les coudes serrés, assis sur une chaise branlante, au milieu d’un pêle-mêle de caisses entassées et entr’ouvertes. Mon compagnon de voyage, M. M***, un Américain distingué dont j’ai fait la connaissance à Philadelphie il y a trois semaines, et que j’ai l’honneur de vous présenter malgré la légèreté de son costume, est là qui va, vient, sue, travaille comme un cyclope dans sa forge et complète à grand’peine une toilette sommaire, en me disputant le rebord étroit de la table grasse où je suis accoudé. Profitons d’un moment de trêve, et faisons d’un coup d’œil le tour de notre horizon.

C’est une boîte étouffée, écrasée sous un plafond bas et noir, entre quatre murailles tendues de toiles d’araignée et d’un papier jaune en lambeaux où la saleté dessine toute sorte d’arabesques curieuses. Un lit vermoulu couronné d’un moustiquaire tout grisonnant de poussière s’étale dans le beau désordre où l’a laissé son dernier occupant. La fenêtre est grillée comme celle d’une prison : elle s’ouvre au fond d’une cour, c’est-à-dire au fond d’un puits