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II. — PORTRAIT.


La beauté n’est pas toute aux lignes du visage.
La sienne est un mystère étrange et saisissant ;
C’est la subtile odeur de la menthe sauvage :
On ne l’aperçoit pas tout d’abord, on la sent.

Elle est brune et nerveuse, elle est pâle et petite ;
Ses traits irréguliers sont empreints de fierté ;
Dans ses yeux lumineux la poésie habite,
Et son corps frêle enferme un courage indompté.

Elle masque ses pleurs d’une gaîté vaillante ;
On devine pourtant la douleur dans sa voix,
On l’entend y passer voilée et palpitante
Comme un ramier blessé qui traverse les bois…

Mais son rire est si frais et paraît si facile,
Qu’on se laisse tromper par son éclat perlé,
Et ce franc rire d’or sur sa lèvre mobile
N’a pas tinté deux fois qu’on est ensorcelé.

Son esprit vous imprègne et doucement vous hante :
On vient de la quitter, son fantôme vous suit ;
On croit entendre encor sa parole vibrante
Peupler le logis vide où l’on rentre à la nuit.

Elle a le charme intime et fort d’un chant rustique.
Simple est la mélodie et triste le refrain,
Mais on est lentement pris par cette musique ;
On la chante, on en rêve, on en a le cœur plein.


III. — LA FERME AU FOND DES BOIS.


Dans une combe où l’herbe pousse
Drue, à l’abri des grands bois,
La ferme repose, et la mousse
Verdit le chaume des toits.
Entre elle et la ville, deux lieues
De sombres taillis épais
Et de landes aux teintes bleues
Font le silence et la paix.