Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 65.djvu/238

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Humble est la ferme, humbles les hôtes :
Le vieux grand-père d’abord
Aux épaules larges et hautes,
Aux bras solides encor ;
Puis, mariés de l’autre année,
La fermière et le fermier ;
Puis le roi de la maisonnée,
L’enfant dans son nid d’osier.

Depuis un siècle, leur famille
Dans cet enclos isolé
Tient la charrue et la faucille,
Sème et moissonne le blé ;
Le grand lit à colonnes torses
Sert depuis bientôt cent ans,
Et le même berceau d’écorces
A bercé tous les enfans.

La ferme est heureuse : pour elle,
Avril chante, mai fleurit ;
Pour elle, la fraise nouvelle
En juin dans l’herbe mûrit ;
Le verger pour elle en automne
Répand ses fruits à foison,
Et l’enfant robuste lui donne
La joie en toute saison.

Parfois auprès du seuil tranquille
Un passant qui vient s’asseoir
Apporte un récit de la ville
Que l’on commente le soir ;
Mais l’histoire, à travers la lande,
Prend de tels airs merveilleux
Qu’elle ressemble à la légende
D’un pays mystérieux.

Ainsi dans cet étroit domaine
Les jours s’enchaînent aux jours,
Amenant chacun même peine,
Même effort, mêmes amours.
Le fermier et sa ménagère,
Cœurs naïfs, bras vigoureux,
Battent le blé, bêchent la terre…
L’enfant grandit auprès d’eux.