Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 65.djvu/266

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

millions d’âmes[1], est bien près d’atteindre, en 1862, 8 millions. Cette augmentation provient en partie de l’excédant des naissances, en partie de l’émigration européenne. Les Indiens que le gouvernement est parvenu à faire vivre près de la civilisation, cantonnés dans des villages (aldeas), où ils s’occupent de quelques travaux de culture, étaient à peine en 1856 au nombre de 30,000. On a renoncé, après des essais qui ont mal réussi, à faire venir des colons chinois. Enfin, depuis que l’exercice rigoureux du droit de visite non moins que les efforts du gouvernement lui-même, ont amené la suppression de la traite, la population noire, décimée d’ailleurs par l’invasion du choléra, a plutôt diminué qu’augmenté. Seul entre tous les peuples civilisés, le Brésil hésite encore à abolir définitivement l’esclavage, et le maintien de cette institution lui a enlevé bien des sympathies. Le Brésil se trouve pourtant placé dans des conditions particulières dont il y aurait lieu de lui tenir compte. La population indigène de race portugaise est habituée à s’occuper dans les villes de négoce et d’industrie. Elle répugne absolument à se charger des travaux agricoles, dangereux pour la santé des blancs, surtout dans les provinces qui avoisinent l’équateur. L’élément étranger, provenant de l’émigration européenne, peu nombreux d’ailleurs, peut encore moins s’y astreindre, surtout dans les parties chaudes, sans courir risque de la vie. Depuis la suppression de la traite et la diminution du nombre des esclaves qui en a été la conséquence, le prix des substances alimentaires a augmenté progressivement, et le Brésil est aujourd’hui contraint de tirer de l’étranger une partie de son alimentation. Les frais de cette importation ne peuvent être couverts que par les revenus du café et du sucre[2] ; mais ces produits, ne se trouvant précisément que dans les provinces les plus chaudes, rendent indispensable le travail des noirs.

Quand en 1853 la confédération argentine a décrété l’abolition complète de l’esclavage, elle se trouvait dans de tout autres conditions. Les noirs n’y étaient qu’en très petit nombre. Le produit de leur travail ne comptait pas parmi les revenus nécessaires. Le

  1. Géographie Malte-Bran. — L’Empire du Brésil, par M. C. Barril, comte de La Hure ; Paris 1862.
  2. kil.
    Exportation moyenne annuelle du café brésilien de 1852 à 1858. 83,065,735
    « du sucre « 50,015,583
    Exportation du café en France de 1864, en chiffres ronds 44,000,000
    « du sucre 7,000,000


    Une circulaire anglaise établit pour la consommation du café dans le monde en 1859 les chiffres de 380 millions de kilogrammes, et pour la production dans la même année 348 millions de kilogrammes. Le Brésil en a fourni seul 173 millions de kilogrammes.