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Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 65.djvu/270

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la ville capitale et le principal centre de commerce, est assise sur les bords de ce fleuve. Il réclamait en même temps de la confédération argentine une partie du territoire des Missions à la jonction du Parana et du Rio-Paraguay. Les revendications de territoire entre ces trois états, possédant chacun tant d’espaces encore déserts, n’ont en effet de véritable objet qu’à cause de la possession des voies fluviales enclavées. Une convention entre les quatre gouvernemens riverains qui eût assuré la liberté constante et absolue de la navigation eût sauvegardé tous les intérêts et terminé les querelles. On crut réussir en ce qui concernera portion du fleuve enfermée dans les territoires orientaux et argentins. Des traités conclus en 1853 avec la France et l’Angleterre en ont stipulé la libre navigation. Il fut moins facile de s’accorder avec le Paraguay. Chacun apportait dans les négociations d’égales défiances et d’inconciliables prétentions. Chacun, sachant que les traités ne sont pas toujours observés, tenait à conserver en sa possession les portions de territoire qui le rendaient maître de la navigation. Néanmoins depuis 1859 le Brésil semblait s’être désintéressé des affaires de la Plata. Les autres états s’occupaient de leur situation intérieure, quand au mois de mai 1863 le général Flores, parti de Buenos-Ayres avec trois compagnons, vint débarquer sur le territoire oriental, où, rejoint bientôt par ses partisans, il entama contre le gouvernement une lutte qui devait avoir de si graves conséquences. Comment une insurrection qui n’intéressait en apparence que l’état oriental fit-elle sortir le Brésil de son repos et amenât-elle une conflagration générale sur les bords de la Plata ? C’est ce qu’un retour sur les événemens antérieurs permettra peut-être de concevoir, autant dû moins qu’il est possible de suivre l’enchaînement de la politique dans ces pays où les entraînemens spontanés et irréfléchis de l’opinion ont plus encore qu’ailleurs une influence considérable sur la conduite des affaires.

Avec une population de 132,000 âmes d’après le recensement officiel de 1852, dont 28,000 étrangers répandus sur une superficie d’environ 6,000 milles carrés[1], l’état oriental, tout en adoptant des institutions républicaines calquées sur la constitution argentine, conserva l’unité à laquelle l’avait habitué la domination espagnole, et, ne formant qu’une seule province, n’eut pas à se préoccuper des difficultés du régime fédéraliste. Toutefois, et bien que l’exiguïté relative du territoire présentât moins d’obstacles à la vigilance du gouvernement, les tendances décentralisatrices,

  1. Le Guide de Montevideo donne pour 1859 301,000 habitans, dont 45,000 à Montevideo. D’autres ouvrages disent 450,000 : ces chiffres semblent exagérés.