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arriva au plus haut degré de richesse et de perfection fut peut-être l’Inde. Plus rapprochée de la source originaire d’où découlait toute l’architecture arabe, admirablement propice elle-même par la richesse du sol, la beauté du ciel, la chaleur du coloris, aux hardiesses architecturales et décoratives, l’Inde vit s’élever des monumens inimitables. Les bains, les palais, les mosquées, les tombeaux, que l’on rencontre en quantité innombrable dans les villes de Délhi, de Lahore et d’Agra, sont souvent des chefs-d’œuvre. La tombe de Zadj-Mahal ou de la couronne, consacrée par Shah-Djihan à son épouse favorite, a été nommée la merveille de l’univers. On ne peut mieux en faire comprendre la richesse qu’en disant que la frise est faite de lapis, d’agate, de turquoises, de saphirs et de rubis, et qu’elle représente des arabesques de fleurs et de fruits du fini le plus précieux. De pareils matériaux, un luxe si extraordinaire nous paraissent exagérés en Occident ; mais pour bien juger de telles œuvres il faut les voir dans les pays pour lesquels elles ont été faites, sous le soleil natal. Dans tous les cas, quelle imagination, quel sentiment de la couleur ne faut-il pas pour concevoir et exécuter des décorations semblables !

Voilà quel est l’art auquel on a cru pouvoir renoncer sans retour au XVe siècle, voilà celui auquel il serait encore temps de revenir, non pour copier les monumens qu’il nous a laissés, — les copies n’ont jamais rajeuni les écoles tombées, — mais pour nous inspirer des principes qui l’ont guidé. Ces principes, les seuls féconds en architecture et que nous avons oubliés, parce que les Grecs, que nous avons pris pour maîtres et pour uniques modèles depuis le XVe siècle, ne les ont jamais soupçonnés, il nous reste à les exposer et à montrer le profit que nos architectes pourraient trouver à les méditer et à les remettre en honneur.


ADALBERT DE BEAUMONT.