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contractée à la face des États-Unis a posé un terme certain à l’évacuation de nos troupes dans une période déterminée, deux questions subsistent. Au point de vue français, la première est celle qui comprend les droits des porteurs de titres de l’emprunt mexicain ; la seconde relève de la politique internationale, elle a trait à la conservation même de l’empire créé par nos mains. La solution de ces deux questions se confondra dans le même dénoûment, car les intérêts des créanciers français restent indissolublement liés aux destinées du pays mexicain. Si la cause impérialiste triomphe, le paiement de l’emprunt conserve une garantie ; mais si la monarchie succombe pour faire place à l’anarchie d’une république éphémère qui serait vite englobée par les États-Unis, prêteurs et emprunteurs sombreront du même coup.

Il nous semble qu’il est temps de soulever un coin du voile qui a recouvert jusqu’à cette heure les faits accomplis au Mexique depuis 1863. Le patriotisme interdit toute récrimination sur le but de cette expédition, qui devait assurer le triomphe de la race latine, et sur les dépenses faites pour édifier un trône déjà chancelant. La patrie a certes le droit de pleurer ceux de ses enfans qui sont tombés sur la terre lointaine ; elle aura le droit aussi de tresser des couronnes aux survivans lors de leur retour, car, depuis les guerres du premier empire, jamais soldats n’avaient exécuté d’aussi longues et d’aussi pénibles marches au milieu de périls et de privations sans cesse renaissans. L’honneur de nos armes a donc été largement satisfait ; mais il est regrettable que la vérité sur les résultats obtenus n’ait pas été mieux connue dans nos provinces et dans nos campagnes, où l’emprunt mexicain a trouvé de si nombreux souscripteurs. S’ils avaient su de combien de piastres avait été payé l’enthousiasme factice qui éclatait à Mexico lors de l’entrée de nos troupes, s’ils avaient pu apprécier la valeur de la junta réunie à la hâte pour décréter l’offre de la couronne pompeusement portée à Miramar, s’ils avaient pu juger de la sincérité du suffrage universel, de la terreur des notables appelés à voter[1], quand à mesure que nos colonnes avançaient dans l’intérieur, ils devaient se prononcer pour un prince étranger dont il fallait vaincre les hésitations, ils eussent été moins confians et moins alléchés par les grosses chances des loteries. Il est vrai que les souscripteurs d’obligations, comme l’a dit un député à la tribune, n’auront guère le droit de se plaindre, si leur capital vient à s’anéantir : ils ont consenti à courir des risques. On ne peut oublier toutefois que l’emprunt a été lancé sous le patronage de l’état, qu’un ancien directeur de la Banque de

  1. Surtout au Panthéon de Guadalajara.