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administrativement et économiquement annexé à la Vénerie. Toutes ces dernières années, les chambres de commerce n’ont cessé d’élever des plaintes aussi vives que multipliées, et l’une d’elles, celle de Roveredo, disait : « Il serait trop long d’énumérer tous les intérêts, tous les besoins, toutes les relations qui lient notre commerce et notre industrie à l’industrie et au commerce des autres provinces italiennes. On sait que de ces provinces affluent, peut-on dire, tous les produits qui nous sont nécessaires, que dans ces provinces se vendent tous nos produits ; on sait qu’avec ces provinces nous sommes dans de continuelles et indispensables relations d’affaires, de façon que tout ce qui empêche ou gêne ces relations ne peut aboutir qu’à être pour nous ruineux et fatal. » Effectivement la révolution italienne a été pour ces contrées, comme elle l’a été jusqu’ici pour la Vénétie, la source d’une misère qui d’une certaine façon est la démonstration la plus claire de la communauté des intérêts, de la solidarité économique. Là où la révolution a passé, un incontestable mouvement de prospérité matérielle s’est produit : dans les pays, italiens encore, qu’elle a laissés en dehors d’elle, c’est l’appauvrissement qui est venu ; mais il y a une autre raison bien autrement forte qui soude en quelque sorte le Trentin à l’Italie, qui explique le prix que l’Italie attache à la possession de ce petit pays de 300,000 âmes : c’est la raison de sûreté, c’est cette raison à laquelle se rendait Napoléon lorsqu’il portait la frontière du royaume italien de cette époque au sommet des Alpes.

Il ne faut pas s’y méprendre en effet : la possession du pays de Trente n’est pas seulement pour l’Autriche une satisfaction d’orgueil, c’est un poids laissé sur l’Italie, c’est une menace permanente. La plus simple connaissance des Alpes tyroliennes suffit pour révéler l’importance de ce petit pays montagneux et entrecoupé de gorges profondes qui s’avance jusqu’au lac de Garde, qui domine de ce côté les communications entre la Lombardie et la Vénétie. L’Autriche avait bien senti cette importance du Trentin ; elle a passé des années et consacré des sommes considérables à faire de cette contrée une des citadelles de sa puissance militaire, à placer là un des plus efficaces moyens de défense de sa domination en Italie. Elle avait déjà, pour aller d’Allemagne en Italie par cette région des Alpes, une grande et ancienne route, celle du Brenner ; elle en a fait construire de nouvelles, celles du col de Toblach, du mont Tonale, du mont Stelvio. Elle a multiplié les communications, si bien qu’elle pouvait en quelques jours descendre sur Milan et sur la Vénétie. Par ses positions sur tous ces versans, elle avait, elle a encore dans les mains les nœuds essentiels de la défense des Alpes. Par Brunecco, par Bolzano, elle peut se mouvoir dans tous les sens,