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par exemple la situation de ceux qui croient à de fausses religions. Ils prennent pour vérité surnaturelle ce qui n’en est pas ; leur foi n’est que superstition, leurs espérances ne sont qu’illusions, leur culte n’est qu’idolâtrie. Or, s’il y a dans le monde, ce dont on ne peut douter, des croyances qui passent pour vérités surnaturelles sans l’être en réalité, comment puis-je savoir a priori lesquelles le sont véritablement et même s’il y en a de ce genre ? Avant de soumettre mon esprit à de telles vérités, il faut donc que je les examine préalablement, afin de voir si elles ont bien le caractère qu’elles prétendent avoir. Un tel examen est nécessairement libre, car il ne pourrait être restreint qu’au nom de certains principes surnaturels ; or ce sont de tels principes qu’il s’agir précisément de constater : ils ne peuvent donc restreindre la liberté de mon examen sans un manifeste cercle vicieux.

Remarquez d’ailleurs qu’il n’est point du tout nécessaire que cet examen tourne contre les vérités surnaturelles pour être appelé libre. Au contraire, si on posait en principe sans discussion qu’il n’y a pas de surnaturel, on enchaînerait par là même sa liberté ; on s’interdirait d’avance et systématiquement de reconnaître pour vrai ce qui peut l’être ; on se fermerait les yeux pour être plus sûr de voir clair. Telle est la liberté de beaucoup de libres penseurs, qui prennent pour principe ce qui est précisément en question. Pour que l’examen soit vraiment libre, il faut qu’il soit indifférent entre le pour et le contre, aussi sincèrement disposé à accepter le surnaturel, s’il le rencontre, qu’à s’en passer, s’il ne le rencontre pas.

La liberté de penser, prise en soi, n’a donc rien de contraire à la foi, et les croyans eux-mêmes sont forcés d’y avoir recours quand ils essaient de démontrer la religion. Évidemment ils ne peuvent alors, sans pétition de principe, s’appuyer sur la religion elle-même. Le libre examen est donc la seule méthode qui puisse établir la vérité religieuse. Elle convient aux apologistes aussi bien qu’aux critiques et aux adversaires, car nul n’oserait avouer qu’il croit à la religion sans avoir de bonnes raisons, et qu’il choisit telle raison plutôt que telle autre sans savoir pourquoi. L’hypothèse contraire conduirait à des conséquences insoutenables : si l’on disait qu’il suffit que certaines choses soient enseignées pour être crues, l’argument vaudrait pour les infidèles aussi bien que pour les partisans de la vraie religion.

Que l’on ne nous dise point que le libre examen ne convient qu’à certaines confessions religieuses, et non point à toutes, à celles qui, admettant l’autorité d’un livre sacré, permettent cependant de le discuter, et non à celles qui reconnaissent une autorité chargée d’interpréter ce qui est dans ce livre ; car ceux qui croient à cette