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Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 65.djvu/515

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sion n’aurait pu en produire ? N’est-il pas évident que le gouvernement eût puisé dans la manifestation des opinions diverses des indications profitables, et que la pensée publique eût pu se prononcer en connaissance de cause en faveur du système qui aurait paru d’avance le plus sage et le plus national ? Un autre enseignement sort de cette triste expérience. Les combinaisons politiques qui tiennent à s’entourer de mystère sont celles qui manquent de précision, de suite et de netteté, celles qui probablement demeurent flottantes dans l’esprit des hommes qui les ont conçues et qui se réservent de les modifier suivant les tâtonnemens de l’action. Des combinaisons de ce genre pouvaient se poursuivre et se développer au fil des événemens dans les temps où les intérêts sociaux, et économiques du plus grand nombre étaient éloignés des conseils des gouvernemens : elles ne vont plus à l’esprit et aux besoins des sociétés contemporaines. Les plans de politique étrangère ne peuvent plus être l’œuvre solitaire d’un homme ou de quelques-uns. Pour être sains et féconds, il faut maintenant qu’ils soient compris, adoptés, voulus par les masses nationales. Les grandes lignes de la politique des peuples éclairés et industrieux ne comportent plus le secret ; elles doivent être tracées en traits éclatans dans l’opinion publique. La politique internationale moderne ne peut plus être capricieuse, tortueuse, ambiguë ; l’école de l’art pour l’art n’y est plus possible. Il lui faut le grand air, la grande lumière, la simplicité et la droiture des desseins, le modeste aveu des fautes ennobli par l’honnêteté des intentions, la prompte correction des conduites erronées. Avec une politique franchement avouée, qui ne craindra point de se confronter sans cesse à l’opinion publique, on s’épargnera dans l’avenir les inquiétudes, les agitations, les déceptions, les amertumes que les peuples ont si souvent rencontrées dans les aventures extérieures de leurs gouvernemens. Une politique qui se croirait infaillible pourrait seule avoir la prétention de se dérober au contrôle d’une discussion opportune et efficace ; malheureusement les événemens ne nous ont appris à connaître depuis quelques années que des politiques très faillibles.

Nous avons, à l’heure qu’il est, à faire usage de ces enseignemens dans une question très urgente, celle du Mexique. Nos objections à l’entreprise du Mexique, à la fin qu’on lui avait assignée, à la façon dont elle a été conduite, sont anciennes, et nous n’avons plus à les reproduire. C’est encore là du passé ; c’est du présent et de l’avenir qu’il faut s’occuper. Comment allons-nous conclure l’affaire du Mexique ? Là est la question du moment. Pour le gouvernement et pour le pays, ce qu’il y a de mieux à faire aujourd’hui, c’est de prendre une résolution rapide et radicale. Il faut partir de l’idée qu’il serait absurde, qu’il ne serait pas viril de prolonger d’un seul instant une erreur universellement reconnue. Quand on s’est décidé à rappeler du Mexique l’armée française, l’on a cru et l’on a annoncé que le retour pourrait s’effectuer en trois rapatriemens successifs, le premier étant indiqué pour le mois de novembre prochain. Les bons esprits s’alar-