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I

Pour établir une ligne télégraphique entre l’Europe et la péninsule de l’Inde, on avait le choix entre deux routes, soit par Constantinople, l’Asie-Mineure et le golfe Persique, soit par l’Égypte et la Mer-Rouge. Les considérations politiques, qui sont d’un grand poids en pareille matière, conseillèrent tout d’abord d’adopter le second de ces tracés, comme étant jalonné par de nombreuses stations européennes et parcouru d’ailleurs à fréquens intervalles par les courriers ordinaires. Une ligne télégraphique sous-marine sur toute son étendue fut créée en 1859 et 1860 depuis Suez jusqu’à Kurrachee, aux bouches de l’indus, par une compagnie à laquelle le gouvernement anglais avait accordé son concours sous forme de garantie d’intérêts. Nous avons raconté déjà l’histoire de cette entreprise, qui ne fut pas heureuse, puisqu’elle ne put transmettre les correspondances que pendant quelques mois. Les câbles n’étaient pas d’Un modèle convenable, et l’immersion ne s’en était pas effectuée sans dommages. Quelques interruptions se produisirent ; on désespéra d’y remédier. La ligne entière fut abandonnée. A la suite de cet échec, qu’il y avait des motifs d’attribuer en partie à l’impéritie de ceux qui dirigeaient les opérations, le gouvernement général de l’Inde résolut de ne plus se fier qu’à ses propres ingénieurs. La participation d’une compagnie financière à un travail si délicat parut, à tort sans doute, ne mériter aucune confiance. Un officier de l’armée anglaise dans l’Inde, le colonel Stewart, partit en mission ; il explora les côtes du Mekran, du golfe Persique, et la Turquie d’Asie de Bassorah à Constantinople. A son retour, d’après l’avis favorable qu’il émit, il fut décidé que l’on construirait une nouvelle ligne télégraphique à travers les contrées qu’il venait de parcourir. Le colonel Stewart. avait la surintendance générale des travaux ; sir Charles Bright et M. Latimer Clark, deux ingénieurs que des études spéciales avaient fait connaître en Europe, eurent charge de faire fabriquer le câble et de diriger toutes les opérations techniques jusqu’à complète installation.

On ne saurait juger tout ce qu’il y avait d’avantageux dans le nouveau tracé qui venait d’être choisi, si l’on ne se rappelle que les câbles posés à une date antérieure avaient rencontré deux obstacles principaux ; D’une part, lorsque les eaux des mers où on les enfouissait étaient très profondes, ils risquaient de se rompre pendant les manœuvres de l’immersion, ou bien ils éprouvaient des avaries plus ou moins graves qui en compromettaient là durée ; lorsqu’une interruption survenait, on était incapable de les relever et de les réparer. En second lieu, les savans avaient constaté que