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Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 65.djvu/528

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l’électricité ne se propage qu’avec une extrême lenteur dans les câbles sous-marins, à tel point qu’un fil conducteur de 1,000 kilomètres de long ne donne plus, à moins d’être d’un diamètre exagéré, que dix ou douze mots par minute ; un câble de 2,000 kilomètres n’était même apte à transmettre que trois ou quatre mots par minute. Le travail utile et par suite le rendement commercial de la ligne se trouvaient réduits dans la même proportion. Voulant avoir une ligne solide et productive, le gouvernement de l’Inde se crut obligé de la diviser en plusieurs sections assez courtes, avec des bureaux de réception intermédiaires et des profondeurs d’eau aussi failles que possible. Ces deux conditions étaient réunies sur la route du golfe Persique. A partir de Kurrachee, dernière station du réseau télégraphique indien, une ligne terrestre devait être établie le long de la côte du Mekran jusqu’à Gwader. C’est là que commencerait le parcours sous-marin. Un premier câble s’étendrait de Gwader au cap Mussendom, à l’entrée du golfe Persique ; un second du cap Mussendom à Bushir, sur la côte de l’empire persan ; un troisième de Bushir à Fao, tout au fond du golfe, à l’embouchure du Shot-el-Arab, large estuaire par lequel s’écoulent les eaux réunies du Tigre et de l’Euphrate. Sur tout ce parcours, les sondages n’indiquaient qu’une profondeur d’eau de 200 mètres au plus, avec un bon font de sable ou de vase. A Fao, on arrivait sur le territoire ottoman. Les Turcs se réservaient le soin de construire une ligne terrestre qui, par Bassorah, Bagdad, Mossoul, Diarbekir et Sivas, aboutirait à Scutari, en face de Constantinople. Arrivées là, les dépêches devaient être livrées au réseau européen, qui se rattache en plusieurs points aux lignes télégraphiques de la Turquie d’Europe. Tel était le projet du colonel Stewart ; l’idée principale était d’éviter les longues traversées sous-marines et de poser le télégraphe sur le sol terrestre partout où l’hostilité des tribus sauvages n’y ferait pas obstacle. Il était déjà permis de prévoir que le passage de l’Asie-Mineure serait la partie faible de la ligne, tant à cause de l’insubordination des peuplades qui habitent le pays appelé Irak-Arabi, entre Bagdad et Bassorah, qu’en raison de l’indolence des Turcs pour toute espèce de travaux publics.

Il y avait environ 2,000 kilomètres de câble à fabriquer. Le type que les ingénieurs adoptèrent pour le conducteur sous-marin différait peu de ce qui avait été fait auparavant. C’était encore un fil de cuivre isolé par des couches alternatives de gutta-percha et d’une composition gluante (Chatterton composition), avec une enveloppe protectrice de gros fils de fer galvanisés. Il y eut toutefois deux innovations : le fil de cuivre central, au lieu d’être un toron de sept fils fins, fut composé de quatre segmens circulaires que le passage au laminoir appliquait très exactement les uns contre les autres,