Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 65.djvu/695

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cependant n’y avait-il pas là une source nouvelle de sagesse, une source de vie, un flot d’idées, de sentimens et de vertus incompréhensibles à l’antiquité, et qui devait l’engloutir, au moins pour un temps ? Certainement Pline et Quintilien avaient le droit de se considérer comme les représentans de la raison générale, de la raison commune, contre ce sens propre et individuel qui se disait inspiré. Telle était la décision que devait rendre le bon sens d’alors. Et cependant cette raison individuelle est devenue la source d’une raison nouvelle, la raison chrétienne, et c’est la folie de saint Paul qui est le principe de la sagesse de Bossuet.

M. Nisard a donc, à ce qu’il nous semble, deux principes, deux genres de critérium qu’il applique tour à tour, croyant toujours appliquer le même : c’est d’une part le principe des vérités générales, et de l’autre, le principe de la discipline. Quand il applique le premier, c’est-à-dire quand il se contente de rechercher dans les écrits les vérités qu’ils contiennent, sans distinguer si ce sont des vérités de tradition ou des vérités d’invention, des vérités de discipline ou des vérités de liberté, sa critique est large et sûre, à la fois souple et forte : elle rajeunit les sujets les plus épuisés par la manière mâle et solide dont elle les relève ; mais quand il applique le second de ces principes, le principe de la discipline, sa critique prend quelque chose de partial, de jaloux, je dirais presque d’étroit : on sent que c’est non plus de la critique absolue, mais de la critique relative faite pour un temps, pour combattre certaines passions, pour défendre certains écrits : c’est une critique de combat. Ce n’est plus la raison toute seule qui juge : c’est la raison unie à une certaine humeur, à une certaine passion, à un certain tour d’esprit, c’est de la critique personnelle. En un mot, des deux principes dont se compose la théorie de M. Nisard, je me sers du premier pour démêler ce qu’il y a d’excessif et d’insuffisant dans le second.

Donnons quelques exemples de cette double critique dans l’Histoire littéraire de M. Nisard.


II

Il y a deux écrivains au XVIIe siècle qu’il nous parait avoir très bien jugés. C’est Descartes et Pascal. Il est le premier qui ait donné une place aussi grande à Descartes dans l’histoire de notre littérature. On lui en a fait un reproche ; on a dit que c’était une exagération, que Descartes n’a pas tant de mérite littéraire, que de son temps personne ne l’avait jamais cité comme un écrivain. C’est prendre là le petit côté des choses. Peu importe que Descartes soit