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Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 65.djvu/761

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grand pouvoir. Il a cru que, si Lincoln avait eu pour mission de vaincre l’esprit de séparation, sa mission à lui était de hâter le rétablissement entier de l’union par l’admission au congrès des représentans des états rebelles. Stevens, Sumner, le parti républicain, ont pris plus à cœur les intérêts qui avaient été engagés dans la lutte ; ils ne veulent point, par une admission trop facile des états rebelles, courir le danger de livrer à une coalition de démocrates et d’hommes du sud, c’est-à-dire de vaincus impénitens, le gouvernement suprême des États-Unis. Des deux côtés, on soutient la lutte avec une robuste énergie qui étonne nos frêles tempéramens européens. Les chances des combattans devant l’opinion ne peuvent point s’apprécier encore avec précision. Il nous semble cependant que le succès des prochaines élections s’annonce en faveur des républicains. Ce parti est celui qui a donné les plus fortes preuves de patriotisme, c’est le plus convaincu, c’est le mieux organisé. Le président Johnson d’ailleurs a mal fini son voyage d’agitateur. Ses intempérances de langage ont lassé et froissé à la longue l’opinion publique. Ce qui lui a fait le plus de mal, paraît-il, c’est de s’être comparé au Christ avec une insistance de mauvais goût : chose curieuse, le sentiment religieux a été offensé d’une assimilation qui lui a paru blasphématoire. Si Johnson et son parti sont battus aux élections, c’est l’esprit dévot qui aura consommé leur défaite. e. forcade.




LA JEUNE LITTÉRATURE.

I. Les Français de la décadence, par M. Henri Rochefort ; l vol. — II. Les Réfractaires, par M. Jules Vallès ; 1 vol. — III. La Rue, par le même ; 1 vol. — IV. Un Assassin, par M. Jules Claretie ; 1 vol. — V. Voyages d’un Parisien, par le même ; 1 vol. — VI. Les Mémoires du boulevard, par M. Albert Wolff ; 1 vol.

Et d’abord il faudrait s’entendre. Que signifient ces mots de littérature sérieuse et de littérature légère dont on se sert si souvent ? Y a-t-il donc une grande et une petite littérature ? À quels traits les peut-on reconnaître et les distingue-t-on l’une de l’autre ? où est la frontière qui les sépare ? Rien n’est plus difficile, si on y songe un peu, que de tracer de ces démarcations, de classer, d’étiqueter les fruits de l’intelligence humaine, car enfin ici c’est l’impalpable, c’est une limite tout idéale qu’il faut saisir. Il ne suffit pas de dire : ceci est de la grande, ceci est de la petite littérature. La valeur d’un livre ne se mesure pas toujours à l’ambition de celui qui l’écrit. La gravité n’est quelquefois que le pseudonyme de l’ennui, de même que dans une certaine apparence de frivolité il peut y avoir plus de sérieux que dans l’œuvre la plus prétentieuse et la plus retentissante. Fontenelle, ayant à parler du genre des caractères dont La Bruyère avait laissé