Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 65.djvu/775

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fait d’une église et d’un pays chrétiens. Il leur fallait un terrain vierge pour expérimenter leurs principes. Ces émigrans appartenaient à l’extrême gauche du protestantisme anglais. Ils demandaient que le christianisme, tel qu’ils le voyaient dans le Nouveau Testament, reprit sa pureté première sous le triple point de vue du dogme, de la discipline et de la conduite de ses disciples : de là le nom de puritains que leurs compatriotes leur ont donné vers la fin du règne d’Élisabeth. Ils rejetaient la théocratie romaine, la prélature catholique.et protestante, l’épiscopat diocésain. Pour eux, chaque croyant était un prêtre qui ne relevait que de sa conscience et traitait directement avec Dieu des intérêts de son salut Ils affirmaient qu’une réunion de personnes qui déclarant prendre les saintes Écritures comme unique hase de leur foi et de leur conduite, et qui s’associent entre elles par un engagement sérieux pour offrir en commun un culte à Dieu, est une église chrétienne indépendante, souveraine, un tout complet, un corps autonome. C’est cette indépendance de la personne religieuse transportée sur le terrain des relations civiles que l’on retrouve dans le pacte solennel que les premiers émigrans firent avant même de débarquer sur les plages américaines, et qu’ils déposèrent dans leurs archives comme un monument qui devait rappeler à leurs descendans l’esprit de foi et de liberté dans lequel ils avaient fondé leur nouvelle patrie. Après savoir fait connaître le caractère essentiellement religieux de leur entreprise, ils ajoutent : « Nous nous réunissons en un corps civil et politique pour maintenir entre nous le bon ordre et atteindre le but que nous nous proposons, et en vertu de cet acte nous ferons et établirons telles justes et équitables lois, tels ordonnances, décrets et constitutions, et tels officiers qu’il mous conviendra, suivant que nous le jugerons opportun pour le bien général de la colonie, nous engageant à toute soumission et obéissance. » Ils sont tellement pénétrés de leur indépendance dans tous les domaines de l’activité de l’homme, qu’ils ne supposent pas un instant que la couronne d’Angleterre, dont ils veulent cependant rester les sujets, puisse avoir des droits sur eux. Les principes ecclésiastiques qu’ils avaient adoptés dominaient leur patriotisme. L’église chez les puritains n’était pas autre chose qu’une petite république démocratique, qui s’impose dès les premiers jours à leurs institutions civiles et politiques, et qui n’a pas cessé un instant de pénétrer chacune des branches de leur organisation. Tous les pouvoirs sont à la base et non au faîte, et les magistrats n’agissent qu’en vertu d’une délégation temporaire et à la condition de rendre annuellement compte de leur gestion à leurs concitoyens. Pendant un laps de temps assez considérable, l’église et la commune se confondirent en un même corps. Après s’être occupée des affaires ecclésiastiques, l’assemblée des fidèles passait sans transition aux affaires civiles, et lorsque les progrès de La colonie exigèrent la séparation des deux domaines, l’éducation du peuple était faite ; habitué à s’occuper des intérêts communs, à traiter les questions d’un caractère général et à les décider en dernier ressort, il n’a jamais été obligé d’abdiquer.