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Un troisième volume sur l’architecture de Bidjapaur, dans le Deccan, paraîtra grâce à la munificence de M. Kursondas Madhoudas. Enfin trois ou quatre autres suivront sur l’ancienne architecture hindoue et djaïna du Guzarate, sur les hypogées de l’Inde occidentale, sur les ruines de quelques vieilles villes.

C’est là sans doute un phénomène fort étonnant. Les Hindous devenant des savans et des archéologues à la manière européenne, qui aurait pu s’y attendre ? Et pour qui connaît la tournure habituelle de ces esprits, quelle heureuse et quelle subite transformation ! Nous félicitons les djaïnas, les parsis, les brahmanes, qui ont su prendre cette initiative intelligente et patriotique ; mais nous ne félicitons pas moins les Anglais qui les ont instruits et poussés à la prendre. Ce sont des Anglais qui ont organisé « le comité pour la publication des antiquités architecturales de l’ouest de l’Inde, » et c’est un grand succès d’avoir réussi à y intéresser les habitans du pays. C’est M. le colonel Biggs qui a levé les photographies ; c’est M. Th. C. Hope, du service civil de Bombay, qui a écrit l’introduction historique indispensable ; les notes techniques sur chacun des monumens photographiés sont dues à M. James Fergusson, qui s’est dès longtemps illustré par ses publications sur les temples hindous taillés dans le roc et par son Manuel d’Architecture. Les indigènes n’en sont pas encore à faire eux-mêmes ces travaux d’art et d’érudition ; mais nous ne doutons pas que le moment approche où, pour toutes ces recherches et ces labeurs délicats, les Européens auront des émules dans ceux qui sont aujourd’hui leurs disciples ou simplement leurs généreux patrons.

Le Guzarate (Saourashtra), situé au nord-ouest de Bombay, se compose d’une presqu’île qui porte plus spécialement ce nom, et de diverses régions assez importantes sur le continent. La presqu’île, presque ronde, se développe entre le golfe de Cambay et celui de Kutch. Tout compris, le Guzarate n’est pas loin d’égaler l’Angleterre en étendue. C’est un pays très fertile, qui produit, du coton, de l’indigo, de l’opium, des grains, des chevaux. Le peuple, intelligent, laborieux et guerrier, sait tirer bon parti de toutes ces ressources, et les Radjpoutes, — c’est le nom de ses chefs, — ont toujours accordé aux arts et aux lettres, une protection éclairée. Souvent attaqué ou envahi par les peuplades du nord, le Guzarate, s’il n’a pas toujours pu conserver son indépendance, n’a jamais perdu sa nationalité, et il est facile encore aujourd’hui de retrouver le type indigène primitif, peu modifié par les invasions et les conquêtes. Les rois de la Bactriane, Ménandre entre autres, ont dominé le Guzarate ; après eux et vers le commencement de l’ère chrétienne, une dynastie d’origine parthe a régné deux siècles, et demi ; puis les rois indigènes reprennent l’avantage pendant cinq cents ans environ. D’abord brahmanes et sivaïtes, ils se convertissent au djaïnisme vers le Ve siècle de notre ère. C’est de cette époque que datent les plus beaux temples hindous de la contrée. Au VIIIe siècle, nouvelle lutte contre des envahisseurs étrangers d’origine sassanide ; ils sont vaincus, et