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A peine l’édifice était-il achevé que Flamsteed y fut installé en 1676 avec le titre d’astronome royal et un traitement de 100 livres sterling par an. Là s’arrêtèrent les libéralités du roi Charles II. Flamsteed fut obligé de trouver lui-même ses instrumens et de payer à ses frais un auxiliaire pour l’assister dans ses travaux. Comme ses faibles ressources n’y suffisaient point, il donnait dans ses momens de loisir des leçons de mathématiques et d’astronomie à quelques élèves. Sa vie fut une lutte perpétuelle contre l’oubli, l’indifférence et les mauvais traitemens de ses concitoyens. Seul et abandonné à ses propres forces, il triompha pourtant de tous les obstacles qu’opposaient alors à la science l’état rudimentaire des instrumens et le vague des méthodes. Avant lui, le catalogue de Tycho-Brahé était le seul guide qu’eussent les astronomes et les navigateurs pour trouver la place des étoiles. Flamsteed entreprit de tout revoir par lui-même et de renouveler ainsi la base des observations célestes. C’était le temps où Newton, retiré à la campagne, dirigeait sa pensée vers le système du monde. Il s’adressa plusieurs fois à Flamsteed pour obtenir de lui des observations lunaires qui devaient appuyer sa théorie sur la gravitation universelle. C’est ainsi que les expériences les plus exactes qu’on eût encore faites en astronomie vinrent merveilleusement en aide à la plus sublime découverte des temps modernes[1]. Après avoir amassé durant de longues années les élémens d’une histoire du ciel, Flamsteed conçut le désir bien naturel de la publier ; mais où trouver de l’argent pour accomplir son dessein ? Il avait l’idée de s’adresser à des souscripteurs, lorsqu’en 1704 le prince George de Danemark, entendant parler de la valeur de ces observations, proposa de les faire éditer à ses frais. Le premier volume parut au bout de trois années ; mais le prince vint à mourir, et tout le fardeau de la dépense

  1. Les bons rapports entre ces deux hommes célèbres ne furent pourtant point de longue durée. Le caractère de Newton, il y a lieu de le craindre, n’était point à la hauteur de son génie. Une lettre de Flamsteed laisse malheureusement peu de doutes à cet égard. Comme cette lettre est très peu connue et qu’elle est adressée à Newton lui-même, on me permettra de la traduire. « Les œuvres de l’éternelle Providence seront, je l’espère, un peu mieux comprises, grâce à vos travaux et aux miens. Ne croyez point que l’orgueil me dicte cette expression ; je considère l’orgueil comme le pire des vices et l’humilité comme la plus grande des vertus. Ceci me fait excuser bien des fautes dans le genre humain, supporter de grandes injures sans ressentiment, et m’inspire la résolution de conserver une amitié réelle pour les hommes de génie, au point de les aider autant qu’il est en mon pouvoir, et cela sans autre intérêt que celui de faire du bien en les obligeant. »