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des manguiers en fleur : rien de plus charmant que la tige fine du palmier quand elle s’élance légèrement au-dessus des touffes impénétrables de ces robustes parasols des forêts tropicales. Les flancs de la vallée se replient avec des ondulations ravissantes, ouvrant à chaque pas de molles perspectives dans des nids de verdure encore pleins d’ombre et comme tapissés de velours. Plus bas, les regards se plongent dans des profondeurs humides où des ruisseaux coulent encore sous l’épaisse feuillée des papyrus, près des bois de bambou colossal qui déploient leurs touffes aériennes. Quelquefois on aperçoit à l’autre bord une villa rustique, nichée sur un petit plateau, dans un repli de la montagne, sous les grenadiers et les lauriers-roses. Rien n’est maigre, triste ou sévère ; tout est beau, brillant, somptueux et jeune. On regarde toutes ces merveilles, et l’on se sent pénétré d’un attendrissement voluptueux.

Nous descendons à la station du Cristo, à l’endroit où les défilés débouchent dans la plaine. Nous traversons de pierre en pierre un ruisseau limpide qui coule sous des buissons épineux, sur un lit d’herbes aquatiques ; puis, prenant le long des haies par un sentier rapide, à travers des plantations récentes de cocotiers et de bananiers, nous grimpons jusqu’au Paradis : c’est le nom de l’habitation de M. B…, et c’en est un véritablement pour son hôte. Sur le dernier contre-fort avancé de la montagne se dressent deux maisons jumelles et exactement semblables, garnies à l’extérieur de longues verandahs vitrées qui bordent toute la façade. L’une d’elles est l’habitation de M. Thomas B…, mon hôte ; l’autre est celle de son frère, et ces deux maisons, bâties fraternellement côte à côte, n’en forment, à vrai dire, qu’une seule. L’intérieur en est simple, sans ornement, sans autre luxe qu’une propreté scrupuleuse et l’admirable vue qu’on a sur la plaine. De grandes fenêtres toujours ouvertes laissent entrer à flots la lumière et le vent frais des hauteurs. C’est un lieu charmant pour une retraite d’été où l’on vient de temps en temps respirer un air pur.

Un joyeux cercle de famille nous attendait sur la terrasse ; des robes blanches se penchaient aux balcons et agitaient leurs mouchoirs en signe de bienvenue ; les enfans gambadaient et poussaient des cris de joie en venant se jeter au cou de leur père. Nous nous assîmes dans une galerie percée à jour comme une lanterne, d’où l’on embrassait d’un coup d’œil tout le magnifique panorama de la plaine, de façon que chaque ouverture encadrait un morceau du paysage. Il y avait d’abord à nos pieds quelques palmiers dispersés sur la pente rapide qui descend vers la vallée, puis des haies, des vergers, des broussailles et de nouveaux groupes de palmiers majestueux. Au-delà s’étendait une mer de verdure, mais une mer