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prix marchand serait plutôt 180 fr., et le riz sera la base éternelle de ces exportations, puisque nous sommes assurés de trouver à nos portes un marché de 400 millions de consommateurs, où les variations de nos récoltes seront trop faibles pour amener aucune différence sensible. Songeons que nos trois provinces renferment 105,000 hectares de rizières, auxquels on pourrait facilement ajouter 80,000 autres hectares ; songeons que chaque hectare produit sans peine 2 tonneaux de riz, et nous comprendrons comment on ne doit voir qu’un chiffre de début dans les 60,000 tonneaux exportés aujourd’hui. Nous pourrions dès maintenant vendre 100,000 tonneaux de riz au dehors, sans nuire en rien à la consommation locale. Je ne puis mieux terminer cette énumération un peu aride qu’en signalant la diminution constante des dépenses dont la métropole a dû s’imposer le sacrifice : de 22 millions en 1862, de 19 en 1863, de 14 en 1864, ces dépenses sont descendues à 8 millions en 1865, et elles ne figurent plus que pour 7 millions au budget de 1866. En même temps les recettes locales ont suivi une marche inverse, qui les a fait passer progressivement de 1 million en 1862 à 5 millions en 1866 ; je néglige de tenir compte d’une somme annuelle que l’on peut estimer à 1 million, et qui représenterait la valeur des travaux publics exécutés au moyen de prestations en nature. Il est bon d’ajouter que, dans la liquidation définitive des comptes de 1864, les recettes, évaluées primitivement à 3,012,719 fr., se sont élevées en réalité à 6,296,249 fr. Il est donc permis de compter sur un revenu normal d’environ 6 millions, qui s’accroîtra infailliblement le jour où la répartition de l’impôt foncier reposera sur des rôles consciencieusement dressés, cap les travaux entrepris sur quelques points du pays pour reprendre le cadastre à nouveau ont immédiatement donné des résultats qui compensaient largement les frais ; l’avenir financier de la colonie est là.

Pour développer ces ressources, il importait avant tout de donner à l’administration locale l’unité d’impulsion qui lui avait fait défaut tant lors de la période de conquête que dans les tâtonnemens des débuts. Ici deux écoles se trouvaient en présence, n’ayant guère de commun que le point de départ pour lequel l’une et l’autre conservaient l’utile mécanisme de la commune annamite. Celle que l’on eût pu appeler l’école européenne n’admettait les indigènes à aucune autre fonction que celle de maire. Difficile à mettre en pratique dans un pays nouveau et peu connu, elle avait en outre l’inconvénient d’exiger un nombreux personnel, presque impossible à recruter convenablement du jour au lendemain. L’école annamite au contraire, tombant dans l’excès inverse, eût volontiers pris pour devise le mot célèbre : il n’y a rien de changé en