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contrées allemandes, que le vœu de toutes les âmes libérales d’un bout de la confédération à l’autre lui donnait, bon gré, mal gré, une mission civilisatrice, que le principal grief de ceux qui l’ont tant de fois injuriée était de la voir manquer si souvent à l’appel du patriotisme germanique ; la Prusse, en un mot, était au cœur de l’Allemagne ce qu’est la France au cœur de l’Europe. D’autre part, il est impossible de nier que des instincts, des sentimens, des traditions particulières, bien plus des principes réfléchis, s’opposaient en maint endroit à cette concentration de l’Allemagne aux mains de la Prusse. Et je ne parle pas seulement des représentans du passé, adversaires naturels de l’état révolutionnaire créé par Frédéric le Grand ; des libéraux même, d’énergiques soldats du progrès, appelaient de leurs yeux une Allemagne vraiment allemande, l’Allemagne saxonne et souabe, d’où seraient exclues à la fois et la Prusse et l’Autriche. Les événemens du mois de juillet ont-ils changé ces dispositions ? Quels sont les symptômes qui se manifestent ? À côté des causes qui attirent vers la Prusse toute une partie de l’Allemagne, y a-t-il des motifs de répulsion et de haine ? Quels seront la valeur, le nombre, le droit des partis que cette situation va faire naître ? La confédération du nord, si elle réussit à s’organiser, trouvera-t-elle dans ces partis nouveaux une force ou des entraves ? Toutes ces questions méritent une sérieuse étude. On peut dire que la victoire de Kœniggraætz et les graves changemens qu’elle a produits dans l’équilibre des divers états de l’Allemagne et de l’Europe ont ouvert comme une grande enquête chez celles des populations germaniques qui ont échappé jusqu’à cette heure aux annexions, prussiennes ; nous voudrions faire pour nous-mêmes une partie de cette enquête en suivant d’un regard attentif les polémiques allemandes.

Notre éminent collaborateur M. Eugène Forcade écrivait ici le 1er  septembre : « Les Allemands ont fait appel à la force prussienne ou se sont soumis à elle pour le règlement de les constitution intérieure. Soit ; cela les regarde. Il est possible que l’expérience trompe leurs illusions ou réussisse à leur gré. Si la domination prussienne n’est point sans desagrémens, le peuple prussien et son gouvernement ont des qualités solides, qui peuvent faire accepter leur hégémonie par la race germanique. Nous devons assister à ce travail de réorganisation avec une curiosité sympathique, en donnant une attention vigilante aux accidens qui pourraient toucher nos justes intérêts. Le spectacle, sans contredit, sera compliqué et instructif. » Tel est précisément le point de départ de nos études. — Mais êtes-vous bien désintéressés ? diront les écrivains allemands, car en telle matière leur susceptibilité est vive, et tout ce qui vient