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pressé entre la révolution qui le supplie et l’Autriche qui le menace. Frédéric-Guillaume emprunte les paroles mêmes du prince de Schwarzenberg pour condamner l’œuvre de l’assemblée de Francfort et rejeter son hommage.

L’Allemagne est là pourtant, impatiente de toucher au but, irritée de son impuissance, et le malaise profond qu’elle éprouve fait beau jeu aux chefs de la démocratie. La Prusse va-t-elle donc se renier elle-même ? Non ; il est impossible que le successeur de Frédéric II n’entende pas le cri de la nation. Un homme grave, l’ami et le conseiller secret du roi, — M. le général de Radowitz, — entreprend alors de dégager l’œuvre de Francfort des élémens révolutionnaires qui en ont causé la ruine. Ce que l’assemblée nationale n’a pu faire, le gouvernement prussien essaiera de l’accomplir. Un traité signé le 26 mai 1849 entre la Prusse, la Saxe et le Hanovre établit un commencement d’unité, l’union restreinte, comme on l’appelait, espèce de centre auquel on espérait bientôt rattacher les autres états germaniques, l’Autriche seule exceptée. Toute la seconde moitié de l’année 1849 est consacrée à ce projet, contre-partie ou plutôt rectification du plan voté à Francfort. Le système de M. de Radowitz institue deux pouvoirs qui représenteront l’unité allemande, le collège des princes et le parlement fédéral. Le collège des princes aura son siège à Berlin, le parlement fédéral à Erfurth. Au parlement issu de l’élection appartiendra le pouvoir législatif, aux princes désignés par les gouvernemens le pouvoir exécutif. Déjà l’union restreinte a donné signe de vie ; le parlement fédéral s’ouvre à Erfurth le 26 mars 1850, et M. de Radowitz, chargé de l’inaugurer au nom du roi, ne craint pas de dénoncer dans son programme « l’intelligente jalousie de l’Autriche. » Malheureusement M. de Radowitz est un esprit aux pensées élevées, aux combinaisons ingénieuses, plutôt qu’un homme de volonté précise. Figurez-vous l’âme la plus austère, mais la plus mystique tout ensemble, en face de ce terrible Schwarzenberg, qui supplée à la raison et au droit par l’arrogance des desseins et l’impétuosité de l’action. Que fait le prince de Schwarzenberg pour déjouer les nouvelles tentatives : de l’Allemagne ? Avant l’ouverture du parlement d’Erfurth, il avait détaché de l’union restreinte la Saxe et le Hanovre, c’est-à-dire les deux gouvernemens qui en avaient posé les bases avec la Prusse ; au moment où le parlement clôt cette première session, il signifie à toute l’Allemagne que ce sera la dernière. Il reconstitue la diète, la diète de 1815, la diète dont les peuples allemands ne veulent plus, la diète, qui n’est plus à leurs yeux que l’image du morcellement de la patrie et l’instrument de la domination autrichienne (26 avril 1850).